Assaleck AG TITA

Ne prenons pas nos populations en otages, comme beaucoup de puissances obscures et inconnues aiment bien nous voir ainsi

Arrêtons ces guerres fratricides qui nous poussent à nous acharner les uns contre les autres.

Il est vraiment temps de savoir ce que nous voulons et qui pourra nous aider à atteindre nos objectifs. Nos populations ont assez souffert de ce statut quo. Vivre ainsi est devenu insupportable. Rendons-nous compte du retard que nous accumulons et le prix que nous payons tous les jours, et pour quel but, au final ? Les distractions et les discours politiques parsemés d’orgueil et de contradictions, nous n’en avons plus rien à faire. C’est d’une question de survie qu’il s’agit. Pendant ce temps, d’autres débloquent des budgets colossaux au nom de nos souffrances sans y changer grand-chose et se réjouissent de nous voir dans une telle situation, puisque cela fait parfaitement leurs affaires.

Tantôt nous sommes au Burkina-Faso, tantôt en France ou en Algérie, au Qatar, et maintenant au Maroc. Quels sont les effets de nos actions jusqu’ici et que nous ont apporté réellement en termes de changement ou de vision d’avenir nos différents « protecteurs » d’un passé pas si lointain ? Tous ces pays aujourd’hui savent bien que nous sommes plus que jamais divisés et ils en profitent pour nous étouffer encore davantage. Vingt ans en arrière. N’est-il pas triste de voir un mouvement de rébellion se répéter et faire des orphelins et des morts à chacun de ses soulèvements ? Négliger cette question est pour nous synonyme de sacrifier des générations d’enfants d’année en année. Il faut trouver une solution à cette question. Sinon, ce sont des générations et des générations qui seront sacrifiées pour une cause qui aura sans aucun doute une issue positive. Ces revendications sont-elles légitimes ? Peut-on encore se poser cette question, alors que, et depuis des années, une tranche de la jeunesse du Nord demande un statut sur sa portion de terre qu’elle entend bien protéger et transmettre comme l’ont fait tant de fois ses illustres ancêtres…

Pourquoi continuer à diaboliser cette revendication et en conclure que cela relève de l’impossible ? Pourtant, un jour prochain, cette revendication se souffrira plus du doute d’une partie de nous-mêmes et sera perçue par tous comme inévitable et fondamentalement vitale. D’ici là, il est préférable de cerner la question au lieu d’organiser ou d’observer avec une indifférence apparente des massacres et de semer la haine dans les esprits. Ces frontières sont-elles aussi intangibles qu’on le proclame ? Pourtant, les Constitutions de certains pays changent au gré de leurs présidents en fonction de leurs intérêts. Alors, pourquoi s’étonner et croire que c’est une utopie de trop, de revendiquer un État où les Touaregs reprendraient en main la part la plus importante de leur devenir ?

On nous fait croire que tous les problèmes du monde nous tomberaient sur la tête une fois ce changement effectué. Pourquoi pas ? Entre rien, vraiment rien, et une partie de nos forces mobilisées à conforter notre destinée et à la rendre viable, devons-nous hésiter encore une seconde ?

Sans une union de toutes nos forces, sans aucune distinction d’ethnie, nous ne pouvons pas faire face à ces prédateurs. Celui qui ne connaît pas l’Histoire est amené à la revivre.

Voici une composition d’ Abdallah AG ALHOUSSEINY de Tinariwen, qui nous exhorte tous à une union sincère.

Là, c’est un poème de l’une des grandes poétesses de l’Azawad en l’honneur de « khadija Walet Mahmoud », qui n’utilise pas la langue de bois pour dire les choses clairement.

« Je pense à Zmeyla riant et chiquant

Ma confidente de la solidarité
Je dis solennellement que ce n’est pas pour l’argent que nous travaillons (révolution)
Ce n’est pas non plus pour la recherche d’un quelconque honneur
Pouvez-vous nous dire qui paiera la vie des martyrs qui ne vivent plus 
Et les estropiés qui ne peuvent plus marcher 
Et ces vieilles qui, tous les jours fuyant en direction d’autres contrées 
Quelle place leur faites-vous?
Le fils de l’Azawad, quelle garantie a-t-il?
Si vous le méprisez.
Si une nation se lève pour compatir à vos maux
Deux jours après vous accourez
Personne ne sait ce que vous recherchez
Ô. Fils de l’Azawad! Prière, pas de bassesses
Sommes-nous en révolution ou alors en  perdition?
Ce Mali qui vous tient à cœur  n’a aucune notion du partage
Tout ce que vous avez: kalachnikov, injections (Toyota) et  tout ce qui peut tuer
En le lui cédant, qu’allez-vous ramener?
Dix-huit ans durant, chaque jour vous négociez
Mais, rien vu de ce que vous recevez.
On vous regroupe sous des tentes pour chercher les aumônes qui vont vous soutenir

On fait de vous les veilleurs pendant que l’ennemi lui s’endort


Une société qui néglige son capital avenir : les enfants

Je ressens une profonde tristesse en voyant les enfants à Kidal et dans le Sahara en général vadrouiller tous les jours sans rien faire. On pourrait me dire : ils sont jeunes, l’avenir leur ouvrira des portes. C’est possible, mais, pour construire un avenir presque sûr, même s’il ne l’est jamais vraiment, ça commence aujourd’hui et non demain ni l’année prochaine.

Un jardinier et son fils à Intikoi  (Kidal)
Un jardinier et son fils à Intikoi (Kidal)

Attendre qu’un événement se calme ou cesse de faire mal est à mon sens une excuse non productive et pour tout dire nuisible. Un peu comme si nous n’étions ni en guerre ni en paix quelles que soient les circonstances. Nos ennemis les plus dangereux nous sont peut-être hélas encore méconnus. Et c’est tout l’enjeu. Le contexte actuel ne doit pas nous servir de prétexte pour ne pas entreprendre quelque chose, éventuellement apprendre un métier par exemple. Et peu importe ce qu’il en adviendra, car cette dynamique ne pourra plus s’arrêter, elle demandera encore davantage pour la satisfaction de tous ! Tout compte fait, c’est une expérience qui ne pourra que servir à un moment ou à un autre. Chacun pourra dire : au moins tu occuperas ton temps et tu pourras prendre en charge ne serait-ce que tes besoins personnels. Alléger les charges quotidiennes de la famille est une façon noble d’apprendre à se responsabiliser et faciliter la tâche de ceux qui se battent pour nourrir toutes ces bouches en devenir. Des pères et des mères encaissent des douleurs depuis bien longtemps en voyant leurs enfants dans cette situation sans pouvoir y remédier. Le devenir de ces enfants nous concerne tous. Ces enfants sont, certes, l’avenir de demain. Mais de quel avenir s’agit-il dans de telles conditions ? Si la société ne les prépare pas dès à présent à apprendre ce qui pourra les aider individuellement et à servir leur communauté!

Dans une ville de quelques milliers d’habitants où nous n’avons qu’un seul électricien et un seul peintre doit faire réfléchir plus d’un d’entre nous. Elle offre pourtant des opportunités à ces jeunes de se construire et de bâtir l’environnement propice à de meilleures conditions de vie. Ceux qui sont présentement professionnels dans un quelconque métier ont commencé à l’apprendre sur le tas. Il faut que la jeunesse du Sahara sache qu’il ne sert à rien de se pavaner en basin riche hors de prix ou dans un 4×4 extrêmement cher pendant qu’une simple toux ou un rhume conduit à la mort tous les jours certains de nos vieillards. Quel paradoxe !

Si nous ne voulons pas que nos pauvres bergers ne sombrent dans quelques années, il est nécessaire de savoir ce que nous voulons et où nous désirons aller !

Lorsque l’on voit des jeunes de moins de dix-sept ans avec un paquet de cigarettes et siroter du thé dans un oued, en croyant que c’est la meilleure façon de faire passer le temps ou de s’occuper, il faut un peu s’inquiéter sur le devenir de cette génération. Cela ressemble à un suicide. Et se demander si nous voulons bien sortir de cette situation ! Mais que faisons-nous concrètement pour sauver ce qui reste à sauver ?

On apprend aux enfants en bas âge que l’école est la clé de la réussite ! Il faudrait surtout dire aux enfants que l’école n’est pas forcément la clé de la réussite, mais qu’elle est incontestablement l’une des portes qui pourraient faciliter la réussite. Sinon, ils risquent d’être déçus. Beaucoup de gens savent aujourd’hui qu’il ne suffit pas d’obtenir un diplôme pour avoir un travail. C’est tout un ensemble de connaissances qui président à cette réussite, et cela ne s’apprend pas forcément à l’école, même si cette dernière facilite l’insertion et la pérennité dans le monde du travail. Il faut proposer aux enfants, surtout en cette période de crise, de toucher à tout, de se frotter à des petits métiers, l’une des options qu’offre le terrain présentement. Les générations à venir dépendront de ce que feront les enfants d’aujourd’hui. Certes, les écoles ne sont pas fonctionnelles, mais de là à rester immobiles et ne rien faire en disant qu’ « on attend le pouvoir central » est une aberration, une ignorance déconcertante de surcroît.  Si nous n’investissons pas dans le devenir de ces enfants, il ne faudra pas s’étonner de les voir se convertir en narcotrafiquants ou en bandits de tout genre dans un avenir proche. Un peu comme si l’on faisait en sorte de les priver d’un minimum d’éducation afin qu’ils puissent être plus facilement instrumentalisés dans l’avenir. Puisque les révoltes touarègues ont encore elles aussi un grand potentiel, une graine de révolte a été semée dans l’esprit des enfants de cinq ans et presque dans toutes les familles.

« La pauvreté n’est pas naturelle, ce sont les hommes qui la créent et la tolèrent, et ce sont les hommes qui la vaincront. Vaincre la pauvreté n’est pas un acte de charité, c’est un acte de justice ». Nelson Mandela


Il n’y a pas de solution militaire à la question touarègue

Les différentes rébellions touarègues ont certes fait parler de la cause, mais elles n’ont pas apporté les grands changements souhaités par la population tout entière, qui avait également espéré que les sacrifices qu’elle consentait permettraient à toutes les autres communautés de la région d’en bénéficier. Hélas, si elles ont permis à quelques-uns d’obtenir des postes de responsabilité, les problèmes de la majorité d’entre nous qui sombrent désormais dans la misère n’ont pas trouvé de résolutions et encore moins d’espoir qu’il n’en sera pas toujours ainsi.

Des enfants nomades d'un campement non loin de Kidal
Des enfants nomades d’un campement non loin de Kidal

C’est surtout grâce aux artistes que ce peuple est connu mondialement et à quelques historiens ou chercheurs venus d’ailleurs qui malheureusement changent de positionnement ou de regard d’année en année.

Au Mali, on a tendance à acheter la paix, ce qui ne marchera pas encore très longtemps. C’est pourquoi l’Histoire se répète. La paix, elle, ne s’achète pas. Dans le fond, le problème demeure intact. Au point de devenir la vache laitière de quelques ténors. Ils y vivent sans état d’âme. Imuhagh (Kel-Tamasheq), si nous adoptons cette lancée, nous resterons un champ d’expérimentation à vie !

Il est plus que nécessaire aujourd’hui d’évaluer le mal que nous nous faisons depuis des générations. Incitons les uns et les autres à avoir un nouveau regard à la dimension du problème, mais, cette fois, sous un angle politique, avec beaucoup de diplomatie, plus jamais la violence et encore moins avec les armes. On peut se faire entendre de plusieurs manières. C’est un long travail sur le changement des mentalités de nos frères et sœurs dans nos campements et dans toutes nos cités. Voulons-nous rester des rebelles à vie ? Chaque jour qui passe, nous augmentons le nombre d’orphelins, de victimes et nous ne sommes plus en mesure de compter nos morts. Les assassinats se multiplient pour chaque épisode de soulèvement. La mise en place d’un comité des sages qui pourrait aider dans la prévention et la résolution des conflits internes et externes est à mon sens nécessaire.

Certains croient que l’arrivée massive de forces étrangères sur notre sol va réduire l’insécurité, ce qui est très peu probable sans l’assentiment et la participation des habitants eux-mêmes. La situation de beaucoup de pays dans le monde en a largement apporté la preuve. Au contraire, c’est le coût de la vie qui grimpera au plus haut et une insécurité chronique pourrira la vie de chacun. Chronique parce qu’il faudra bien justifier leur présence. Malheur aux plus pauvres ! Et ce qui nous rendait le plus fiers ne pourrait plus n’apparaître que dans nos souvenirs si nous n’y prenons pas garde. Malheur à celui qui ne pourra plus transmettre, offrir en partage, soulager ceux qui traversent une infortune passagère… Un cauchemar de plus. Et ça, nous ne pourrons pas longtemps le supporter !Un peuple civilisé n’a pas besoin d’homme en armes pour résoudre ses problèmes.

Bannissons les armes. La revendication par la violence, nous serons toujours les premiers perdants et aussi les premières victimes. Des armes sont fabriquées dans le monde tous les jours et il faut forcément un endroit (peut-être notre territoire) et des personnes pour les utiliser. Dans notre cas (Touareg et alliés), nous les utilisons les uns contre les autres. Qui perd des vies humaines, c’est nous ; qui gagne ce pari, ce sont les fabricants et leurs complices. On leur procure de l’argent indirectement en utilisant leurs armes à des fins désastreuses qu’on semble ignorer. Résultat : on sème l’insécurité et tout le monde nous fuit, y compris nous-mêmes. Hélas, notre bravoure, notre détermination et notre force ne nous servent à rien depuis bien longtemps. Changeons de stratégie ! Une technique qui ne marche pas est vouée à l’échec.

Si nous abandonnons les armes et ne cautionnons aucun trafic qui a fait de nous des victimes et nous anéantit de jour en jour, ce ne serait pas une fin en soi, mais une marche vers un progrès harmonieux de notre société. Rendez-vous compte de ce fait, tout ce trafic et toutes ces armes ne servent qu’à une minorité d’entre nous. Il faut reconnaître que la détention d’une  arme est devenue monnaie courante dans notre société ces dix dernières années. C’est surtout ça la bombe à retardement qu’on nous a mise entre les mains. Un horrible piège. C’est un fléau qu’il faut combattre, c’est urgent et primordial. Quel héritage allons-nous laisser aux futures générations ?

Regardons un peu notre passé, nous avons toutes les potentialités pour vivre dignement et honnêtement. Notre élevage et notre artisanat nous permettent de vivre si et si seulement nous nous investissons pour les développer, en faire des activités pérennes.

Ibrahim AG ALHABIB (Tinariwen)
Ibrahim AG ALHABIB (Tinariwen)

Comme l’a si bien dit Ibrahim AG ALHABIB (leader de Tinariwen) dans l’une de ses chansons : « Si vous voyez un territoire verdoyant, ce sont ses hommes qui le protègent. »

Les savoir-faire de nos femmes dans beaucoup de domaines comme l’artisanat entre autres sont des activités à mettre en valeur. Sachant qu’elles sont les piliers de la famille, leur rôle dans la sortie de cette crise n’est jamais à minimiser. Il faudra les impliquer de plus en plus dans la gestion et les prises de décisions.

De l’action

Il faut se mobiliser, participer à la prise de décisions, s’impliquer dans des activités qui améliorent nos vies de tous les jours. Les jeunes doivent être des acteurs de ce processus. Ça ne se gagne pas facilement, il faut l’imposer. À tout prix. Si l’on continue à attendre un changement qui viendra du ciel ou de tout autre pays, sachez que nous allons mourir dans une attente éternelle. Tout changement auquel nous aspirons doit venir de l’intérieur, par nous d’abord. Toutes ces promesses de projets de développement qu’on nous fait miroiter ne nous feront pas bouger d’un pas. C’est éphémère. Elles nous maintiendront dans une situation de blocage total ou de dépendance. Nous avons besoin de voler de nos propres ailes, avec nos moyens, rudimentaires soient-ils, pour aller dans la direction qui nous arrange. Personne ne connaît nos besoins plus que nous-mêmes et aucune personne, moins encore un État, ne viendra le faire à notre place. C’est ce type de développement qui  nous conviendra et nous donnera un sentiment de fierté inégale, mais surtout visible dans nos réalités quotidiennes.

On est en train de nous distraire, tout se joue sur le temps afin de nous éloigner de nos vrais besoins, ne cédons pas à ce chantage ; nous avons besoin d’un réel changement de mentalité pour pouvoir enfin aller tous dans la même direction. On nous écrase physiquement, mentalement et psychologiquement.

Si nous sollicitons l’aide de qui que ce soit, elle doit rester strictement dans le domaine du savoir-faire, en matière de compétences techniques ou d’outils pratiques. Beaucoup de pays sont en avance dans ce domaine et nous pouvons solliciter leur aide. Ne demandons plus de l’argent à qui que ce soit, cherchons les moyens de faire profiter nos populations des connaissances de ceux qui sont en avance pour améliorer nos conditions d’être. Dans les domaines de l’éducation, la santé, les télécommunications, l’hydraulique, l’élevage, l’artisanat et la culture. Dans tous ces domaines, nous avons beaucoup de choses à apprendre comme nous avons aussi beaucoup de valeurs à transmettre. Nos populations en ont plus que jamais besoin pour s’épanouir et prouver leur savoir-faire.


Kidal : une jeunesse laissée pour compte qui tire le diable par la queue

Des jeunes au Stade municipal de Kidal lors des festivités du 22 septembre 2009
Des jeunes au stade municipal de Kidal lors des festivités du 22 septembre 2009.

«  Je te donne ou tu me donnes ; je t’arrache ou tu m’arraches. Voici comment survivent les jeunes présentement », affirme un jeune sur place.

Une jeunesse laissée pour compte.  Ceux qui sortent des universités de Bamako (à plus de mille kilomètres de distance de Kidal) sont accusés inévitablement de manquer d’expérience. En réalité, cet argument est de tout temps de mise afin que les vieux loups conservent toutes les commandes. Dans certains cas, les jeunes sont systématiquement écartés des ONG en général par les recruteurs, car ceux-ci, largement à la botte des responsables institutionnels, n’ont rien à leur refuser. Fermement désireux de conserver à leur profit exclusif le monopole du personnel afin de contrôler l’organisme tout entier et de décider comme bon leur semble, ces responsables ont inventé ainsi selon les circonstances une sorte de prolongation à l’infini de leur immense pouvoir qui ne saurait (pour combien de temps encore ?) se partager.

Au final, la frange la plus fragile de cette jeunesse finit par dépendre de quelques personnalités influentes qui leur balancent quelques billets de temps à autre afin de les enfoncer dans la dépendance et les avoir pleinement sous leur contrôle. En échange ? Leur faire faire tout ce que ces dernières souhaitent.

Le passe-temps

Cette jeunesse passe ainsi ses journées et ses soirées à tourner en rond d’une famille à une autre, de chez un ami à un autre. C’est la seule habitude qui lui permet d’échapper à cette routine infernale.

Autour d’une théière de thé constamment sur le feu dans la plupart des familles, les jeunes perdent la notion du temps, sa valeur aussi, les années passent et rien ne change. L’héritage d’une certaine solidarité unique en son genre se maintient cependant depuis des générations, cela permet encore à ces jeunes de résoudre quelque peu certains problèmes quotidiens tels que le lancinant problème de l’argent de poche ou de la cigarette. Certes, la question quoi et où manger n’est pas encore un problème, puisque chacun peut manger chez son ami  (le plus souvent chez ceux qui sont mariés) ou dans n’importe quelle famille, qui en fait un devoir absolu et n’est jamais remis en question. Le repas est assuré pour tous. Il s’agit d’une hospitalité naturelle bien connue chez les Touareg, lorsqu’on ne les qualifiait pas encore d’islamistes ou de terroristes. Il ne faut surtout pas que cette page de l’histoire soit tournée, mais nous devons inventer une nouvelle page, celle qui permettrait à toutes les bonnes volontés d’obtenir un minimum vital sans devoir recourir à des méthodes hors du temps et pour le moins dégradantes.

Les années passent, les espoirs s’envolent. Loin d’être autonome, cette jeunesse, dans sa majorité, finit par prier et adorer comme un saint celui qui peut lui offrir un espoir, même éphémère et peu importe ce qu’il propose. Le licite, l’illicite, le légal ou l’illégal ne sont plus à l’ordre du jour. Pourvu que l’on s’en sorte, telle est la question primordiale.

Avant la crise qui a secoué tout le pays, beaucoup de projets étaient destinés à remédier à cette situation, mais l’État malien n’a pas su privilégier les bons interlocuteurs, ceux qui auraient été capables de moderniser des coutumes très archaïques et de se donner corps et âme pour le bien-être de la communauté dans son ensemble. Il a préféré traiter avec ceux qui lui versent un tiers du budget avant même la réalisation dudit projet. Dont l’exécution commence pratiquement dans les coulisses de l’administration à Bamako.

Ensuite, certains projets de développement étaient mal conçus puisqu’ils ont été ficelés par des spécialistes très éloignés du terrain pour s’imprégner de la réalité, c’est-à-dire qu’ils ne répondaient ni aux attentes ni aux besoins des populations à la base. Ces projets de développement sont forcément éphémères s’ils ne sont pas axés sur le long terme. Les programmes sont conçus hélas généralement rien que pour débloquer de l’argent, non pour atteindre des objectifs sérieux de développement.

Des jeunes à Kidal en décembre 2011
Des jeunes à Kidal, décembre 2011.

C’est pour cette raison qu’ils sont très mal gérés. Aucun suivi digne de ce nom ne se fait pour savoir comment l’argent a été investi. Plus grave encore, les acteurs de développement manquent cruellement de synergie, chacun agit dans son coin. Ce qui est étonnant, personne n’est sanctionné, depuis qu’Amadou Toumani Touré (ATT) avait dit en son temps qu’il ne « voulait pas humilier un chef de famille ». Donc la voie était libre pour s’enrichir du bien public. Les autorités locales sont complaisantes de cet état de fait. Puisqu’elles aussi gagnent une part du pactole. Une règle bien connue dans la gestion des projets à Kidal : chacun dans son petit coin gère à sa guise, décide et ordonne. « Ne te mêle pas de ma gestion et je ne me mêle pas de la tienne. » Je te laisse faire et laisse-moi faire. Nul ne doit s’immiscer dans la gestion de l’autre. Le pauvre nomade qui attend un changement est noyé dans ce grand cercle de la bureaucratie, qui tarde à trouver les solutions les plus élémentaires.

Paradoxalement durant cette crise, beaucoup de jeunes diplômés originaires de Kidal ont eu du travail, parce que les Sudistes ne voulaient plus aller au Nord. Mais s’agissant des sans-diplômes, ils travaillent dans l’informel (le petit commerce de bétail ou la musique), la majeure partie de la jeunesse est sans qualification, alors qu’il y a des métiers porteurs, notamment l’électricité, le bâtiment, la réparation des véhicules, la soudure, etc. Certains jeunes de Kidal qui ont appris des métiers manuels se débrouillent bien, mais ils manquent sérieusement de qualification et ne peuvent évoluer.

Cette situation résulte du manque de volonté du gouvernement ainsi que de ses représentants locaux à accompagner les jeunes dans la vie active. Par des initiatives concrètes pour les occuper et pouvoir leur donner une chance de contribuer à la construction de leur nation. Les structures de base à tout développement sont quasi absentes. Ce n’est pas un hasard si certains  jeunes, faute de mieux, se laissent influencer par des trafiquants de tout genre, au péril de leur vie.

Pourquoi il n’y a rien d’autre à faire pour les jeunes que de risquer leur vie à faire du trafic de cocaïne ?


Situation très tendue à Kidal

Devant l’école, face au stade municipal de Kidal

Tous les coups sont permis. Les élections législatives au Mali s’approchent. Pour briguer un mandat, nos politiciens ne se gênent pas pour promettre monts et merveilles ou même à assassiner.

Une conversation sous forme de question-réponse avec deux jeunes sur place à Kidal.

 L’un, universitaire, raconte :

 Kidal et ses environs sont devenus en très peu de temps un champ clos voué au banditisme de toute sorte. L’axe Kidal-Anefif (110 km) en direction de Gao est presque impraticable et les commerçants de Kidal sont victimes de vols incessants.

Dans cette région, on ne peut plus prétendre vouloir créer une association sans l’aval des groupes armés. De plus, il est très clair que si tu n’es pas avec eux tu es contre eux. Les tensions entre les communautés s’exacerbent et créent un malaise de plus en plus profond.

Alors, c’est le retour à la méthode du diviser pour régner qui prévaut ?

Tout à  fait. L’objectif est parfaitement atteint. 

Que font les imams sur place pour sensibiliser la société ?

Les imams prêchent le pardon, mais les chefs de fraction jouent le jeu du racisme et celui de l’intérêt très personnel ou exclusivement clanique.

Vois-tu une sortie de crise dans un tel contexte ? Et qu’est-ce que la jeune génération comme toi et les autres pensent de tout ça?

Nous, nous n’avons plus le droit de penser dans le bled (Kidal). Alors, on subit pour l’instant, mais le plus triste est de constater que la jeunesse est constamment manipulée par les leaders. Difficile de te dire qu’une sortie de crise est possible pour l’instant, étant donné l’acharnement que les uns et les autres mettent à déglinguer les fondements de notre société.

Quels sont les leaders qui arrivent à influencer en ce moment?

Les leaders du MNLA, le MIA, les chefs de fraction côté Azawad et les leaders de l’armée malienne. En gros, des leaders qui craignent un peu de devoir partager un jour et bétonnent les issues qui faciliteraient la modernisation de notre communauté. Ils aiment aller vite, communiquer avec des correspondants à des kilomètres de distance, se soigner à l’extérieur des zones qu’ils contrôlent, mais faire profiter de toute cette modernité technologique au plus modeste des Kidalois leur semble parfaitement incompréhensible et totalement incongru, hélas !

Centre ville de Kidal

Les leaders de l’armée malienne, qui sont-ils, comment parviennent-ils à influencer et dans quel but?

Ce sont les responsables touaregs de l’armée qui sont à Kidal. Ils drainent avec eux une jeunesse qui cherche à les côtoyer et l’influencent ainsi dans le but d’avoir le plus d’adhérents possible afin de faire tomber les secteurs détenant les différents pouvoirs en place, c’est-à-dire le MNLA et le MIA. Ces militaires touaregs de l’armée malienne organisent des rencontres avec les représentants de la société dans leur quartier, vers l’ancienne Mairie de Kidal.

Les écoles n’ont-elles pas été réouvertes?

Non, l’école est un sujet sensible.
Pourquoi ?
Le MNLA et le Mali en plus des autres parties, veulent quelle soit le moteur de l’éducation, mais ni l‘un ni l’autre n’a de véritables ambitions pour l’avenir des élèves. Pour l’instant, c’est géré par le MNLA.

Un combattant du MNLA donne ses impressions :

La ville de Kidal ressemble à certains films des forces armées que j’ai assez regardés, on dirait l’Irak !

À la question : Comment sortir de cette situation ? Il répond :

Je ne sais vraiment pas, tout ça me dépasse. D’un côté, il y a tellement de crimes que  personne ne fait plus confiance à  personne, même à un ami. Personne ne peut sécuriser la zone, sauf le Mali ou la rébellion, le MNLA. L’obstacle est que chacun cherche à tout prix (MNLA/Mali) à éliminer (effacer) l’autre.

Au sujet des leaders à Kidal, il ajoute : Ce sont toujours les mêmes têtes… qui se sont rajeunies, mais, cette fois, ces têtes très semblables aux précédentes ne contrôlent rien. La force(les armes), c’est nous qui la contrôlons entièrement.

Station service à Kidal

Nous devons nous recentrer sur l’essentiel : préparer un retour rapide vers une vie honorable pour tous… Pourrions-nous nous contenter d’élire nos représentants en acceptant provisoirement l’inacceptable et de ne pas les lâcher d’une semelle quand ils seront  aux commandes… La démocratie ne s’arrête pas seulement aux apparences. Essayons… c’est urgent !


L’élection présidentielle au Mali, équation à plusieurs inconnues tant attendue

www.electionmali.com
www.electionmali.com

Le 28 juillet les autorités maliennes attendent un vote en masse des électeurs de Kidal. C’est un droit reconnu pour chaque citoyen. Petit problème: les habitants de Kidal et des alentours sont des citoyens qui ont toujours été considérés  par les différents gouvernements en place comme des citoyens de seconde zone…

Les conditions sont très loin d’être propices pour la tenue d’une élection sur toute l’étendue du territoire. Particulièrement à Kidal, ce que confirme ce passage du communiqué de presse du PARENA de M. Tiébilé Dramé,  candidat de l’Alliance Populaire pour la Renaissance Nationale :« L’établissement des listes électorales dans la région de Kidal, qui s’est fait en quelques heures dans la journée du 10 juillet de manière illégale, est loin d’assurer le vote, pourtant essentiel, des habitants de Kidal. Ce qui s’est passé ici le 10 juillet n’a été qu’une mise en scène, parce que la DGE avait exigé d’avoir les listes de Kidal au plus tard le 11 juillet, faute de quoi, elle ne pourra pas garantir la tenue de l’élection le 28 juillet. »

La fraude, la corruption  et le bourrage des urnes sont les actes les plus fréquents lors d’une élection au Mali. Ce n’est un secret pour personne.

Le cas de Kidal

Pour les populations nomades de la région, l’élection du Président de la République ne les concerne pas directement, et celui qui sera élu ne viendra pas un seul jour sur place pour se préoccuper de ce qu’elles vivent.Comme d’habitude.

C’est seulement pendant les  campagnes  électorales qu’on s’intéresse à elles. La population sait d’avance que c’est un certain Keita ou un Sissoko qui sera élu et non pas un Ag (fils de… en Tamasheq) ou un Ould (fils de…  chez les arabes). De toute l’histoire de ce pays on retiendra que le vent a toujours soufflé dans une seule et unique direction. L’impossible n’est plus malien.

La sagesse de tous les jours, ou un simple pragmatisme des nomades les fait se passionner pour des élections communales ou législatives, mais une élection présidentielle est trop lointaine ou peu concrète. Ceux qui se déplaceront le feront pour faire plaisir aux représentants de ces candidats sur place, pour faire le « boulot ». Il va falloir leur offrir un moyen de déplacement et leur faire des promesses pour le plus souvent mensongères sinon elles ne bougeront pas d’un iota le jour du scrutin. Les nomades ont des priorités plus urgentes que d’aller en ville à Kidal pour voter, en ces périodes de ramadan et de chaleur extrême, leurs bêtes doivent boire et avoir de quoi se nourrir, et c’est cela la priorité. Il faut être bien naïf ou cynique pour demander à ces populations de quitter leur campement en brousse pour venir voter en ville dans un tel contexte. D’habitude, il y a des bureaux de votes itinérants qui vont à la rencontre des populations nomades au niveau des endroits des grands regroupements, le plus souvent autour d’un puits.

Cette année, le contexte ne le permet pas, tout comme l’organisation de ce scrutin qu’on veut finaliser coûte que coûte sur toute l’étendue du territoire. Les partenaires du Mali, qui coulerait sûrement sans eux, ne lui donnent pas une seconde pour prendre le temps nécessaire afin d’organiser des élections dignes de ce nom.

La classe politique malienne n’aurait pas l’honnêteté intellectuelle de dénoncer de telles incohérences, et les faiblesses de ce scrutin ne finiront pas de faire parler de lui, celui que la France impose à marche forcée. Une note de l’OSIWA souligne ce silence de la classe politique :

« La majorité des acteurs politiques maliens – les candidats notamment – par leur silence sur les multiples insuffisances du processus et par l’état de leur préparation à y participer donnent l’impression d’adhérer au processus électoral tel qu’il est actuellement conduit. Cependant, il est peu probable qu’ils soient tous disposés à en accepter les résultats quels qu’ils soient, comme on a pu le voir ailleurs dans la sous-région. Bien au contraire, les « recalés » seront les premiers à rappeler toutes les faiblesses du processus, pourtant actuellement bien visibles, et à s’en servir pour contester les résultats. »

Espérons que des urnes et du matériel électoral ne disparaîtront pas trop d’ici dimanche.


Mali: la démocratie à la malienne au bord du gouffre

Manifestation à Bamako contre la corruption et la mauvaise gestion du pays

Le coup d’Etat qui a renversé Moussa Traoré et favorisé l’avènement du multipartisme fêtera bientôt son quart de siècle. Que s’est-il passé pendant cette relative longue période ?  Plusieurs générations de citoyens ont ainsi pu exprimer leurs préférences dans les urnes, mais qu’en sera-t-il cette année ?  Que s’est-il passé pendant tout ce temps et qu’en est-il demeuré dans le cœur de ceux qui ont sincèrement cru en cette démocratie, qui pourtant, comme disait Winston Churchill, « est le pire système de gouvernement, à l’exception de tous les autres qui ont pu être expérimentés dans l’Histoire » ?

Un entretien avec un habitant de Kidal cristallise ces interrogations et démontre le degré d’impuissance qu’un citoyen de bonne volonté peut ressentir à l’égard de ce que la démocratie à la malienne pouvait lui inspirer au cours de ces années de plomb.  

Qu’est-ce que vous retenez de la situation du Mali à la veille du vingt-deuxième anniversaire de la « révolution » du 26 mars 1991 ?

A la veille du 26 mars, la situation du Mali mérite méditation parce qu’au moment où l’Etat s’apprête à fêter sa révolution : la démocratie, on voit que le pays s’enfonce dans une situation très grave. La situation que traverse le pays en ce moment est très difficile. Le Mali avait enclenché sa démocratie, on pensait que cette démocratie allait prendre du chemin, mais il se trouve aujourd’hui que le Mali est plongé dans cette guerre dont on ne connaît pas l’issue.

Vingt-deux ans plus tard, comment voyez-vous le niveau de régression de la démocratie qui s’est opéré au fil des années. Une démocratie que d’aucuns qualifient d’ailleurs maintenant de façade !

Démocratie et démocratie, on ne peut pas parler de démocratie, il n’y a pas de démocratie. Les évènements de tous les jours démontrent qu’il n’y a pas de démocratie au Mali. Il n’y a qu’à regarder, à écouter les médias, la presse, on se rend compte que ce n’est pas une démocratie réelle. Vous voyez que tous les jours on arrête des journalistes à cause des informations qu’ils diffusent qui parfois sont justes. Ensuite, il y a les droits de l’homme. Ce conflit que nous vivons aujourd’hui a provoqué un recul en ce qui concerne les droits de l’homme avec ces exactions et ces réfugiés dans les pays alentours. Il n’y a pas de démocratie dans ce pays. C’est un vain mot dans ce pays. Il n’y a qu’à voir tout récemment comment la junte est arrivée au pouvoir ! Comment on a chassé un président à quelques jours de la fin de son mandat ! Tout ça prouve qu’il n’y a pas de démocratie dans ce pays. Il y a l’impunité, la corruption et pas mal de choses…

Est-ce qu’on peut dire qu’il y a une opposition digne de ce nom, sachant qu’il y a des députés du temps de la création du parti unique UDPM « Union démocratique du peuple malien » qui sont toujours députés ?

Vous savez, vraiment, la scène politique malienne, c’est une scène un peu particulière. Il y a plus d’opportunistes que de véritables politiciens engagés. Je crois que cette configuration de l’ancien régime n’a pas du tout changé. Ce sont les mêmes têtes qui sont là. Donc, ce sera la même gestion qui va continuer. Il n’y a pas de changement. C’est comme si ATT était encore au pouvoir. On a laissé faire dans ce pays. Vraiment, l’Etat n’a pas joué son rôle et on s’est retrouvé devant un Etat affaibli. Alors, en essayant de sauver la situation, on est retombé dans une situation plus grave encore.

Au regard du contexte actuel, êtes-vous optimiste pour l’avenir  de ce pays ?

Il faut toujours être optimiste. Si tous les Maliens pouvaient se retrouver, ce qui est très difficile. Parce que le problème du Mali, c’est que le Sud ne connaît pas le Nord. On est malien ; on se dit malien, mais le Sud ne connaît pas le Nord. Le déchirement auquel on assiste aujourd’hui, le tissu social est complètement déchiré, il va falloir beaucoup d’efforts pour réconcilier les acteurs afin de décider ensemble de l’avenir de ce pays. Mais je ne sais pas avec l’opportunisme et des décideurs souvent qui ont une toute petite marge de manœuvre, on ne va pas vraiment avoir la bonne voie, c’est difficile. Mais si, par contre, les gens étaient sincères, les acteurs qui vont contribuer à ramener la paix, je pense qu’il faut consentir des sacrifices çà et là et ça peut sauver peut-être le Mali.

Qu’est-ce qui  a conduit le Mali à en arriver là ?

C’est la mauvaise gestion, l’impunité, la corruption, le culte de la personnalité. Vous savez, ce pays, son problème, c’est que les dirigeants, ils font ce qu’on appelle le pilotage à vue. Quand on fait un pilotage à vue, ce sont des incertitudes. Donc, il est très difficile d’amener ce pays vers la voie d’un vrai développement.

Comment voyez-vous la situation des Touaregs actuellement et à long terme au Mali ?

Le problème des Touaregs, il est très vieux et on dirait qu’il n’est pas compris. Vous savez, le fait qu’il y ait des rébellions qui se répètent là, ce n’est pas pour rien. Je crois que, depuis l’indépendance, on a très mal géré la première rébellion de 62-63. C’était une rébellion où il y a eu beaucoup de gaffes, beaucoup d’orphelins, beaucoup d’exactions, qui ont amené les enfants des victimes à prendre les armes pour se faire justice parce qu’il n’y avait pas de justice. D’accord en accord, des accords mal ficelés, à travers le Pacte… Parfois, l’État malien propose des choses qu’il ne peut pas offrir. Donc, il faut connaître ses moyens avant de faire des propositions. Ensuite, il y a un problème de développement au nord de ce pays. C’est un peu la misère. Si vous voyez ces jeunes gens qui sortent de ce pays pour aller ailleurs, à l’étranger, découvrir une vie, oublier un peu la misère. Ce sont des gens qui souhaitent vivre de la même manière chez eux, chacun préfère vivre chez lui, revenir chez lui, mais, en revenant chez lui, il faut qu’il trouve de quoi.

En revenant chez eux, en désespoir de cause, ils livrent leurs âmes au diable, ils s’adonnent à ce que nous constatons tout de suite avec ces AQMI, Mujao… qui offrent des masses importantes d’argent pour des jeunes gens qui n’ont pas fait l’école, qui n’ont pas d’autres ouvertures. Donc, ils sont obligés d’aller là-bas. Je pense que la solution, c’est un développement. Il faut programmer un développement durable. Il faut trouver une solution définitive parce que tant que ce n’est pas bien ficelé, ça va toujours reprendre.

Qu’est-ce que vous pensez de l’avenir de ces réfugiés qui s’exilent de force et dont personne ne parle ?

Une situation de réfugié, c’est toujours une situation difficile, ce n’est pas de gaieté de cœur qu’on abandonne son pays pour l’aventure. Ces réfugiés, aujourd’hui, ils sont dans une situation très complexe. Il faut des gages, il faut faire en sorte qu’on ramène la confiance, qu’on observe sur le terrain dans leur pays qu’ils ont quitté. Qu’on observe un retour de la paix, une confiance parce que je crois que la confiance n’existe plus, avec tout ce qui a été vécu çà et là. Il est très très difficile pour ces populations exilées de prendre le chemin du retour.

Avez-vous un message en particulier à lancer ?

Il faut que tous ceux qui peuvent apporter quelque chose à ce pays, ce pays en lambeaux, il faudrait qu’on mette de côté les calculs politiques, parce qu’il y a beaucoup de calculs politiques dans les décideurs. Il faut mettre fin à tout ça. Il faut vraiment revenir au partage, à la confiance, la réconciliation, même si elle est très difficile. Peut-être impliquer la communauté internationale parce que le problème, ce n’est pas seulement un problème touareg que nous avons entre les bras. C’est vrai que, quand on jette un coup d’œil sur l’Histoire, on constate que cette communauté touarègue, je reviens là-dessus, est disséminée à travers plusieurs pays. Des portions par-ci, des portions par-là ; c’est le même monde, les mêmes coutumes, les mêmes modes de vie, et la même philosophie. Il faut trouver un moyen pour les fixer et les organiser. En réalité, un développement durable.


« Nous, Touaregs, nous sommes nous-mêmes auteurs de ce que nous vivons. Nous n’avons plus d’avenir… Attendre sans savoir quoi attendre, voilà ce que nous vivons »

Deux jeunes hommes qui se saluent style R&B dans la rue principale de Kidal
Deux jeunes hommes qui se saluent style R&B dans la rue principale de Kidal au Nord du Mali

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voici un témoignage recueilli par téléphone d’un ex-combattant d’AnsarDine, aujourd’hui exilé au Burkina Faso.

Qu’est-ce qui t’a découragé à quitter le mouvement Ansar Dine?

C’est leur système. Il ne me plaît pas. Parfois, ils sont pour le Jihad et disent qu’ils ne veulent pas d’un territoire, et, en même temps, ils ne veulent pas céder le territoire. Moi, je ne crois pas à un Jihad en ce moment et je me rends compte qu’ils ne savent pas vraiment ce qu’ils veulent.
Leur organisation ne motive pas du tout, et c’est pourquoi les jeunes gens qui sont habitués à travailler correctement les abandonnent de plus en plus.
Il faut que l’on sache ce qu’ils veulent et pour qui ils travaillent : soit avoir le contrôle du territoire, soit faire le Jihad !
Nous, les combattants, nous avons besoin de bien comprendre de quoi il s’agit.
S’ils avaient abandonné ce Jihad, ils auraient fait adhérer la majorité de la population.
Ils ne s’entendent pas, même entre eux. Mauvaise organisation.
Comme dit un proverbe touareg : « On ne fait pas des tresses sur la teigne ! »
Pour le moment, j’observe et j’attends, comme beaucoup de jeunes combattants.

Comment ton abandon est-il perçu par ton entourage ?

Nous sommes tous dans la même situation. Personne ne sait où aller. Soit fuir ou les (les islamistes, ndlr) rejoindre. Au sud (Bamako), c’est hors de question. Tous les combattants comme moi n’ont donc aucune perspective.
Au sujet de la motivation du leader d’Ansar Dine Iyad ag Aghaly au Jihad, rien n’est encore clair. Tantôt il est favorable, tantôt il est contre, puis il annonce dans la même foulée qu’il va remettre le contrôle du territoire aux propriétaires, la chefferie traditionnelle, en l’occurrence. Des déclarations contradictoires.
Tout récemment, il a déclaré qu’il est désormais« l’Emir des Al-Mouminines» (commandeur des croyants, représentant le chef suprême des musulmans, selon les règles de la charia).
Nous sommes musulmans depuis longtemps, comme l’Arabie Saoudite, mais notre pratique de l’islam n’est pas celle que ces gens nous imposent.
Les habitants qui intègrent ces islamistes deviennent plus radicaux que ceux qui les ont initiés, ils sont presque comme envoûtés. En plus, ils sont en première ligne et sont contraints de faire appliquer cette loi aux populations.

Qu’est-ce qui retient encore certains combattants sous leur commandement ?

Certains sont obligés de rester avec eux. Ils n’ont pas le choix.
Ils ne peuvent pas retourner du côté du Mali ; c’est pratiquement impossible. Nous, qui rejetons cet islamisme radical, ne pouvons ni retourner chez nous ni réintégrer du côté malien.
On nous stigmatise toujours, même si tu n’es coupable de rien.
Voici un exemple :
Un ami déserteur d’Ansar Dine qui voulait réintégrer son poste à la Garde nationale du Mali à Sikasso a été emprisonné par un colonel (touareg) de sa hiérarchie,  lui refusant son salaire et sa réintégration.
Au final, après plusieurs tractations, mon ami s’est rendu compte que le problème était du racisme inter-tribu et que, dans son cas, il était du mauvais côté. Si tu ne viens pas de la tribu qui commande, tu n’as plus ta place. Tu risques d’être suspecté et traité d’agent de renseignement d’Ansare Dine ou d’un groupe islamiste. Il n’y a plus de confiance entre nous.
Moi-même, c’est ce qui m’a empêché de réintégrer mon poste à la Garde nationale. Donc, nous, Touaregs, nous sommes nous-mêmes auteurs de ce que nous vivons. Nous allons observer le résultat du match parce que c’est un match qui se joue là-bas en ce moment.

C’est qui ou quoi la solution ?

C’est Iyad ag aghaly la solution, il est incontournable.
Il a fait adhérer à son mouvement de plus en plus de gens et demeure le maître du jeu. C’est le pion incontournable pour la résolution de ce conflit.

Propos recueillis et traduits du tamasheq en français par
AG TITA Assaleck


Kidal: Une société civile totalement absente et ignorée par les islamistes et des indépendantistes

Certains combattants du Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA) commencent à rejoindre le groupe islamiste Ançar Dine, qui a le contrôle de la ville de Kidal et beaucoup plus de moyens pour soudoyer ses nouvelles recrues grâce à son alliance avec Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI). “Je préfère le MNLA juste pour sa vision, même si son aile politique ne peux rien changer pas du prête à soutenir…mais j’ai choisi d’être avec Ançare Dine pour plus de confiance, de sécurité et plus de sérieux.

Le MNLA compte beaucoup de voleurs et bandits de tout genre, qui font n’importe quoi dans les villes où ils passent” affirme un jeune combattant affilié à Ançare Dine.   Des combattants  reprochent au MNLA d’être incapable et pas représentatif de l’ensemble du peuple Touareg face au grand défi qu’il s’est lancé, la majorité de la population préfèrent le MNLA et elle n’est  pas prête à soutenir un régime islamiste, même si parmi elle, quelques-uns se rallient à Ançar Dine pour des intérêts financiers. Les différents groupes islamistes, qui règnent dans la région, terrorisent les populations et sèment la terreur dans les esprits.

La destination du nouvel Etat décrété unilatéralement par le Mouvement National de Libération de l’Azawad, en Avril dernier, semble s’aventurer en n’ayant pas la volonté d’identifier  clairement son principal ennemi et  sans marquer précisément sa domination territoriale. Pour de nombreux observateurs sur le terrain, cette déclaration d’indépendance relève de la précipitation et de l’amateurisme. Cette hypothèse se renforce  par l’Algérie qui affirme une opposition farouche et constante face à l’indépendance.

La grande puissance sous- régionale, qui a ses frontière à seulement  400 kilomètres de Kidal,  demeure le cordon vital et incontournable des régions nord du Mali.

On peut  aussi s’interroger sur l’absence totale de la  société civile qui est complètement ignorée par les islamistes et les indépendantistes lors des différentes rencontres et prises de décisions politiques. C’est pourtant sur elle que la population du Nord-Mali fonde tous ses espoirs pour la sortir de cette situation un peu plus incertaine et tragique. Cette société civile donne l’impression d’être constamment dos au mur et de subir fatalement  les conflits  à répétition. Cette situation qui la dépasse risque de la rendre plus vulnérable qu’elle ne l’a été depuis des décennies, voire des siècles.

Quant aux femmes touarègues issues d’une culture matriarcale, elles sont aujourd’hui  marginalisées. Elles sont désormais écartées de tout pouvoir politique et n’ont plus leur place dans la gestion des affaires. Le génocide de la culture Touarègue est malheureusement annoncé alors que celle-ci était un système social dont la responsabilité familiale, ou plus précisément clanique était attribuée à la femme. Les Touaregs ne possèdent qu’une parenté, la parenté utérine : la généalogie est féminine.

Les Touaregs sont musulmans depuis le VIIe siècle, cependant, la position élevée qu’occupe la femme touarègue s’inscrit en contraste avec l’état d’infériorité de la plupart des femmes du monde arabe. Aujourd’hui, la pratique de la Charia a  une emprise, qui risque d’être sans retour, sur cette exception culturelle née il y a plusieurs siècles.   L’espoir d’une indépendance du territoire de l’ “Azawad” sans  bain de sang et surtout  sans sacrifier toute une jeunesse assoiffée de liberté est anéanti par l’opposition ferme de l’Algérie.

Les Islamistes de tout bord imposent leur stratégie de terreur et d’occupation du terrain. Le non respect des engagements du Mali, puis le chaos qui y règne aujourd’hui ont laissé, au Nord Mali, le champ libre à une forme d’anarchie où AQMi, Islamistes, indépendantistes et trafiquants de drogue côtoient les bandits de grand chemin du  Sahara en toute liberté et en toute impunité. Les rançons que perçoivent les islamistes pour la libération des otages représentent plus de 4 fois le budget de la défense du Mali. Dans une interview accordée à France24, le ministre malien des Affaires étrangères sous le régime d’ATT, Soumeylou Boubèye Maiga, disait: “ce qui importe pour nous c’est d’obtenir la libération des otages…” certes la même préoccupation pour la France de Sarkozy. Peut être qu’ils oublient tous que les populations sont aussi en otage! Sauf que pour eux il n’y a pas de rançon.

Depuis 2006, rare sont les acteurs de développement qui investissent au Nord du Mali et toutes les autorités stigmatisaient la présence islamistes sans rien y faire concrètement. Finalement, une partie de la population est désormais dans l’obligation vitale de se pencher vers celui qui lui offre une assistance d’où qu’il vienne et peu importe ce qu’il réclame en contrepartie. Tout un peuple est laissé à lui même.

Actuellement, le gouvernement malien fait face aux pires difficultés générées par le récent coup d’Etat. Le pays veut retrouver son intégrité territoriale, mais la priorité est de rétablir la situation au Sud. Une aubaine pour  les islamistes qui imposent la Charia dans tout le Nord et le MNLA qui réclame l’indépendance de l’Azawad, mais aucun  d’entre eux ne parlent de solutions concrètes pour venir en aide aux 284 000 réfugiés déplacés. On compte 56 664 réfugiés au Burkina Faso, 61 000 en Mauritanie et 39 388 au Niger selon le HCR. L’histoire se répète.

Par ailleurs, une famine, annoncée depuis plusieurs mois, va inévitablement sévir au sahel et qui, parmi eux, va pouvoir répondre au désespoir des populations restées sur place ?


« J’ai toujours mon poste radio dans mon sac témoigne un auditeur »

RFI: Relations Auditeurs

La Radio joue un rôle indispensable dans la sensibilisation et l’éducation des populations en Afrique et particulièrement au Mali.

La radio reste le quotidien de beaucoup d’hommes et de femmes  sauf qu’elle est souvent un instrument de manipulation et de profit pour les propriétaires de radios affirment certains auditeurs.  Beaucoup de travail reste à  faire lorsqu’il s’agit de diffuser des informations crédibles et du respect de la déontologie du journalisme.

Voici des liens vers des témoignages percutants d’auditeurs:



Mc Talka, MC des pauvres et icône du rap Songhoî


« La suède des Voix du Mali / Sweden Mali Voices »
est un festival, mis en scène, chaque année en alternance, entre la Suède, dans la région du  Jämtland, à 40km au sud d’Östersund et le Mali au cœur de « Koïma Hondo » (la « dune rose » dans la langue Songhoï), à proximité du tombeau des Askia de la ville de Gao, classé au  patrimoine mondial de l’UNESCO. Les musiciens des deux pays  participent ensemble à chaque édition qui a lieu au mois de janvier à Gao et en Suède en alternance. Parallèlement, des actions sont menées sur le terrain pour une mise en lumière de la culture malienne et plus particulièrement son artisanat, mais aussi des problèmes récurrents inhérents à la sècheresse et à la gestion de l’eau.

C’est  Abdoulahi Ibrahim Touré dit Mc Talka, icône de la musique rap qui a initié ce festival. Ce jeune rappeur songhaï, de la région de Gao, s’est toujours impliqué dans la lutte contre l’injustice sociale et dans des actions politiques liées à la situation du  Nord Mali, en utilisant le rap pour véhiculer ses messages, un rap plutôt nouveau genre, le Takambarap !

Rappelons que le rap est une forme d’expression vocale sur fond rythmique, issue du mouvement culturel hip-hop, apparue au milieu des années 1970 dans Le quartier du  Bronx à New York.  Influencé par les différents courants musicaux de la musique noire, le rap a connu son apogée dans les années 80. Aujourd’hui, il surfe plus que jamais sur son succès international et rassemble des artistes soutenus par des producteurs « majors », mais aussi des musiciens indépendants, plus modestes, mais tout aussi créatifs. Le rap du XXIe siècle fait aussi la part belle aux instruments les plus exotiques et on y retrouve aussi des sonorités traditionnelles du Mali qui nous sont familières.

Au travers d’une interview qui a eu lieu à Bamako mi- Mai, le talentueux Mc Talka  nous dévoile plusieurs aspects de sa personnalité et son sentiment profond et sincère sur les préoccupations majeures associées au Nord Mali.

Qui es-tu Mc Talka ?

Né dans la région de Gao, au Nord Mali, sous le nom d’Abdoulahi Ibrahim Touré,  je suis aujourd’hui un musicien, un rappeur, plus connu sous le pseudo  Mc Talka.  Des initiales MC  signifiant «  Master of Ceremonie », Talka voulant dire pauvre… « Maitre de cérémonie des Pauvres ».  Je me suis engagé à être l’avocat, défenseur des pauvres. Dans cet esprit, mon groupe de rap a été baptisé « FASKAW’S »  une expression de la langue songhoï que l’on peut traduire par « défenseur de toutes les causes nobles».

Pourrais-tu nous présenter le Festival «la Suède des Voix du Mali / Sweden Mali Voices » que tu as initié ?

Effectivement, j’ai initié en 2009 ce festival qui a lieu, chaque année et alternativement, au Mali et en Suède. Le concept a été très bien accueilli de toutes parts et le travail d’organisation se passe vraiment bien entre les deux parties, mais le développement de l’événement est compromis en raison des problèmes d’insécurité  du Nord Mali qui empêchent les festivaliers et touristes de se rendre sur place. Nous sommes pris  nous aussi en otages, au travers de nos activités culturelles et du développement social et culturel qui sont entravés par cette cruelle situation.  A notre manière, par le rap, nous exprimons musicalement notre colère et notre espoir et nous véhiculons ainsi  des messages de paix. Nous luttons contre ceux qui blessent  notre région et qui brisent nos espoirs d’un avenir meilleur. Nous réclamons, de toutes nos forces, l’intégrité territoriale et un développement durable. Nous souhaitons, dans un proche avenir que l’ordre revienne dans cette région et que les populations, victimes innocentes, puisse vivre sereinement et honnêtement.

Nous avions déjà  exprimé cela dans notre premier album  « Mali, le Nord pleure ». A cette époque, le gouvernement à mal  interprété nos paroles, pensant que nous  appelions à la rébellion ou à éteindre la flamme de la paix. L’album a été censuré sous prétexte que  toute  idée liée à une révolution au nord du Mali est interdite de diffusion sur les  radios et à la   télévision nationale. Nous avons été mal compris. Nous voulions simplement rappeler à notre pays que sa région Nord pleure, qu’elle est perpétuellement dans le malheur. Il faut trouver une solution d’envergure avant que la région, hélas déjà internationalement connue pour son brigandage, son terrorisme et ses trafiques en tous genres, soit durablement une zone de non-droit risquant de déstabiliser tout le pays.

Comment se répercutent sur les populations qui habitent cette zone, ce blocage et cette insécurité ? Peut-on dire que le Nord est désormais assiégé ou pris en otage ?

Les populations locales se battent déjà, au quotidien, contre l’ensablement, la sècheresse, le réchauffement climatique et parfois les criquets ! Des populations épuisées et excédées qui sont aussi confrontées à des conflits ancestraux et inter ethniques entre  Songhoïs, Peulhs, ou  Idnans, Ifoghas, Arabes ou  Kountas, des querelles souvent attisées par ceux qui veulent « diviser pour régner ». Il est temps et même urgent que la cohésion sociale prenne le pas sur les intérêts individuels et la corruption.  Seule une lutte collective d’un peuple uni par son destin pourra venir à bout des souffrances terribles qu’on lui inflige.

J’appelle tous nos frères et nos sœurs, à  œuvrer,  tous ensemble, pour que le Nord  ne soit plus sous l’emprise du mal et de la violence imposés par une poignée de hors-la-loi, pour la plupart étrangers au pays. Que notre région ne soit plus jamais un symbole de désolation, de haine et de misère. Protégeons la aussi des appétits financiers multiples aiguisés par la richesse de son soussol, mais aussi des étalages de richesses mal acquises qui deviennent insupportables.

 La décentralisation serait-elle l’une des solutions d’avenir ?

Rien n’a été entrepris concrètement  sur le terrain pour mener à bien cette décentralisation. Elle a été sabotée. En 2002, une ville de la Région Nord devait être choisie pour bénéficier d’un projet de développement exclusif  et, en définitif, c’est  Mopti qui a été choisie, une ville qui ne s’inscrit pas dans cette partie du Mali. Il y a des incohérences… Par exemple, la ville de  San qui n’est même pas une région, a hérité d’ un magnifique stade qui n’existe ni  à Kidal, ni à Tombouctou, ni à Gao. Prenons l’exemple de Kidal  qui ne dispose à ce jour d’aucun goudron,   il faut se rendre à Gao, à 460 km, pour obtenir  un certificat de résidence ou un titre foncier, il faut faire 1 600 km pour avoir un passeport  et faire des études supérieures, et parcourir 1 000 km  pour un procès de justice, à Mopti !

L’ingérence des autorités et leur injustice vont toujours  conduire à une forme de révolte et à  une situation explosive, alors que nous ne voulons que la paix, la stabilité, la justice…  Revendications légitimes qui passent toujours par le développement et la cohésion sociale et qui sont indispensables pour construire un avenir à notre jeunesse.

Aujourd’hui  les événements deviennent des virus dangereux et contagieux.  Que Dieu nous  épargne ce vent de révolte parce que le Mali, qui a longtemps été un exemple international de paix et de démocratie,  ne mérite pas d’être inscrit sur la liste des pays  infréquentables, privé de tourisme et de développement. Nous ne voulons pas être contaminés comme l’ont été la Sierra Leone ou le Libéria. On ne veut pas de la violence du Nigéria ou de la Côte d’Ivoire. Nous Maliens, du Sud et du Nord, avons suffisamment de valeurs, d’intelligence et de traditions communes  pour unir nos forces, partager nos richesses équitablement  et lutter contre ceux qui veulent déstabiliser notre pays. « Un peuple, un but, une foi » est  la devise qui nous réunit depuis plus de 50 ans, il faut s’en souvenir !

Quelles sont tes impressions au sujet de ta première tournée hors du Mali ?

Pour moi l’Europe est  le continent des droits de l’Homme. C’est celui qui a le plus de proximité avec l’Afrique de l’Ouest. On s’intéresse à notre culture, notre musique et notre Histoire. Par exemple, les Européens sont fascinés par le désert saharien, par les richesses culturelles de notre peuple.  Comme eux, nous aspirons à prendre le train de  la mondialisation, mais malheureusement, une minorité de Maliens ont accès à l’éducation et à la formation professionnelle et celles-ci manquent cruellement de structures. « Vouloir, c’est pouvoir » dit l’adage, mais c’est difficile, même pour les plus courageux d’entre  nous ont du mal à atteindre un niveau suffisant pour entreprendre des études de haut niveau en Europe.

En ce qui me concerne, mon expérience européenne s’est plutôt bien passée. J’avais déjà travaillé au Mali avec  des artistes européens. Puis j’ai enregistré des albums avec des groupes de rock, comme  Hindenburg , un groupe  Suédois bien connu en Europe, j’ai aussi travaillé avec  Abjeez, un groupe Iranien sur le titre DemoKracy…

 

‘’Democracy’’

Je porte beaucoup d’attention aux textes qui évoquent les problèmes du monde entier et j’invite les gens à bien les écouter, notamment les paroles…. « Nous avons dit « good bye au communisme, démocratie start too… alors que nous les africains, ont veut aussi du too… dark démocratie ! tes too de tas de bloff de boucher,  dark démocratie, laisse nous tranquilles,  enjoy so life, laisser nous vivre notre vie, recule t’es pas d’ercul, nous sommes des miskines,  le même système toujours sur le même thème, tiers-monde démocratisé, démocratie dictatoriale et démocratie matériel pour la promo de tes maréchaux , chacal en Irak rec la même dose de choses qui pause cause des morts même chez moi in Africa black mama », ça  veut dire que la démocratie, alors qu’ils on regretté de faire tomber le communisme là je continue dans le texte pour dire aux Américains : tu fais la promo, le garant de ta dark démocratie en même temps tu dit tant pis, ton tapis roule partout dans le monde entier, dark démocratie bientôt en chute comme tu l’attends le jour J, le soleil à beau briller, mais il tombera comme tu la vis tomber, le soleil du communisme, je fais la honte à ta place ta note – l’addition – trop gonflée, tu montres tes couleurs partout sur les five continents parce que tu peux now, later incha allah, je serai là le jour de ton jugement, de ta balkanisation sans solution » .

Les textes que tu chantes sont surtout en Songhoï pourquoi ?

Je chante surtout en Songhoi ; Bien sûr je chante avec des artistes Européens, mais la prise de conscience, cela commence par celle de nos populations. Alors, on doit s’exprimer le plus souvent avec notre propre langue pour faire passer le message et être parfaitement compris par les nôtres.

Je m’adresse surtout aux communautés du Nord parce que dans le premier album, j’ai chanté  » yir hortou  » « on a souffert » ; il y a aussi du Tamasheq (la langue touarègue) dans ce titre pour dire que la première prise de conscience commence par soi-même.  Tu dois d’abord passer le message auprès du public directement concerné pour qu’il ouvre davantage son esprit et que les mentalités évoluent.  Le public doit comprendre, qu’au travers de ton rap, tu partages sa souffrance et son chagrin.

 Quel message souhaites-tu privilégier ?

 J’ai toujours dit que la qualité de l’Homme est toujours son défaut. Au Mali on clame toujours l’intelligence des Nordistes… moi je crois que, pour certains d’entre eux,  leur intelligence est au service du Satan, et non pas au service de la cohésion sociale. Que ceux qui se reconnaissent, s’interrogent à l’heure de la prière !

 Parle-nous de ta carrière  que tu mènes actuellement en solo…

En se moment j’évolue avec un groupe suédois avec lequel j’ai produit mon 2e albums dont le titre est « Democrazy », « la folle démocratie’’, qui sort ce mois de Mai 2011, est distribuée par Mali K7. Vous savez  aujourd’hui  la démocratie  est devenue une autre crise à part, elle à ses problèmes de vaincus, de vainqueurs et de vainqueurs vaincus ! On travaille ensemble sur le nouvel album dont le titre sera en Songhoï.

 Par quel moyen as-tu financé ton premier album ?

Mon premier album « Mali, le Nord pleure » a été financé par l’Organisation Néerlandaise de Développement (SNV) en 2001-2002, dans le cadre d’appuis aux initiatives de base. Notre rôle était de sensibiliser notre public sur des thèmes bien précis comme l’après rébellion, la venue de la démocratie, la problématique du Nord. On aurait du parler d’un « problème complexe », mais il était impossible de nommer l’album ainsi. C’est ce qui a généré des problèmes d’incompréhension pénalisant  la promotion et la diffusion de l’album. D’un autre côté, cette situation  nous a favorisés, parce que cela a porté un certain éclairage sur notre  groupe et attiré l’attention sur le message  qui est bien compris et transmis. Ensuite on a rempli notre contrat avec la SNV,  qui lutte pour le développement durable, l’équité sociale, interculturelle et de genre, ce que nous avons artistiquement  fait en évoquant clairement les problèmes du Nord Mali.

«Des siècles dans ce désert, des peuples dans la misère, qui meurt dans la galère, ainsi ma colère». On rajoute en Songhoï : « Au nord du Mali, ichi koulà, immakoula, ichi borey nakk  ima bou takoula ils s’en foutent des gens ».

Mais, j’ai répondu dans ce nouvel  album… « Si le Nord pleure, c’est la faute aux Nordistes j’ai compris que c’est aux Nordistes eux-mêmes de sauver le Nord. Si ils laissent crever leurs troupeaux, ce n’est  pas de la faute de l’État ou aux Sudistes. Pendant qu’ils ont des villas et des 4X4 aussi démesurés que leur ambition. Ici, les ressortissants du Nord ne s’entraident pas et ne s’unissent pas pour développer le Nord, ils agissent individuellement et chacun prend une position juste pour lui. Ils vont en exil et restent plus longtemps, allons habiter notre désert et développons le. Tout ce problème se  joue sur le Nord. On n’exploite pas les atouts et les  potentialités…

Comment faire en sorte que les gens prennent conscience de tout ça et se décident à s’unir pour une cause commune ? Continuer sans relâche à faire de la sensibilisation, comme toujours ?

 Il faut réaliser un travail immense et dans tous les domaines, une unification, il faut tout reprendre à la base…

Voilà un rôle bien joué par les artistes et d’ailleurs ce sont les seuls, sinon dans les autres secteurs, chacun roule pour soi, il n’y a pas une entente, une force collective ou un parlement qui défendent les causes collectives du Nord au sein de l’Assemblée Nationale, seuls les artistes le font. On ne défend pas des causes dans le  but de développer le Nord, mais tout est  question d’intérêt individuel.

Ces mêmes cadres qui sont en train de piétiner le Nord, ils ont passé par là à une certaine époque et aujourd’hui, que font ils ? Il ne faut pas que les nouvelles générations fassent les mêmes erreurs  que leurs ainés. Il faut qu’ils prennent exemple sur les artistes.

Qu’est ce que le Festival Sweden Mali Voices  apporte à la région de Gao ?

 C’est un festival en forme d’échanges culturels avec plusieurs volets comme l’éducation et  la santé. Au niveau de l’environnement, la Suède est le premier pays environnemental au Monde. Nous voulons profiter de l’échange et, à notre tour aussi, interpréter toutes les bonnes pratiques écologiques de leur mode de vie, de tirer les bonnes leçons de leur culture et apprendre comment protéger notre environnement. Chez nous, l’environnement est très menacé, il y a  l’ensablement du fleuve et nous espérons concrétiser des projets de fixation des dunes… Cela concerne l’ensemble du Nord Mali, du  Mali et de toute l’Afrique. Il ya plusieurs nationalités qui participent et cela fait aussi une ouverture pour les artistes du Nord qui ont, par ailleurs, un réel problème de matériel professionnel. Nous comptons faire venir du matériel artistique de la Suède pour le mettre à la disposition de tous les jeunes talentueux pour qu’ils puissent se perfectionner.

 Avec l’insécurité et toutes les restrictions imposées au Nord, pensez-vous que le projet à de l’avenir ?

La première chance appartient au peuple, donc à nous de la sauvegarder. Si on le veut, on peut ! Si on se met à la tâche aussi vite et aussi fort que possible, si les populations sont vraiment motivées, les autorités vont forcément nous soutenir. En tant que producteurs du festival, nous tenons à conserver un esprit de simplicité, de détente et de liberté, c’est pourquoi  nous souhaitons que ce festival se fasse sans parrainage politique et sans officiels, à l’exception des élus locaux, pour éviter les contraintes de protocole et de sécurité. La présence de personnalités exige une sécurité qui génère des débordements brutaux provoqués par un encadrement trop zélé.

 As-tu un message particulier à l’attention de tes fans ?

Je les remercie bien de leur soutien et qu’ils sachent qu’ils peuvent compter sur moi, tout ce que je fais c’est pour eux. Je suis demeuré quelques temps silencieux car  j’ai  compris que le silence est une manière de parler aussi. Voilà, dans quelques semaines, le nouvel album sera sur le marché et j’espère qu’ils vont l’aimer et le chanter !

 


Assani salim azim, le Tchadien Banguissois

On se rencontre à Dakar autour de Mondoblog. Lui Tchadien et moi Malien: plus de mille kilomètres de distance. Nous prenons place face à face sur deux chaises dans le jardin de la cour du CESTI (Centre d’Etude des Sciences et Techniques de l’Information), comme deux mamies qui vont se faire servir le thé à l’ombre des arbres frais.

Découvrir ce qui se cache sous ce visage poupin, ces dents blanches parfaites, ce physique de beau mec. Je pourrais le jalouser. Trop facile. Souriant et sympathique, il se livre sans arrières pensées. Entre nous c’est comme si ces milliers de kilomètres n’existent plus, comme si on se connaissait déjà. Quand on commence notre interview c’est encore de kilomètres qu’il est question.

En 2005, Salim faisait partie des 18000 nouveaux bacheliers du Tchad, pour 5000 places à l’Université, raison pour laquelle il estimait avoir peu de chances d’accéder aux études supérieures et d’ailleurs le test fut sans succès. Là, il décide de se tourner vers Bangui, où il à de la famille, pour concrétiser son rêve d’être médecin. Quand va-t-il retourner au Tchad ? « C’est une question difficile,j’ai vraiment une énorme envie de retourner là bas et faire ma vie ». Au sujet de son futur, ‘ »je n’en sais rien, sauf que Dieu décidera pour moi » dit-il.

Assani salim azim est né à Ndjaména au Tchad. Il n’y est jamais retourné depuis son départ il y a six ans pour Bangui, la capitale de la Centrafrique.

Son père est de l’ethnie Ouaddaï, sa mère est de la région de Ngalo et de l’ethnie Daye. Cette double culture explique peut-être son ouverture aux autres, la facilité à s’intégrer. Pendant son enfance il était passionné de la télévision et des bandes dessinées.

Il a commencé à bloguer en 2006 avec son blog « Paix et Amour, le blog d’Assaaz » du fait qu’il était passionné de poésie et aimait les échanges interactifs. Son admission au concours Mondoblog lui a donné le courage de bloguer avec plus de confiance et de rentrer dans cette dynamique de blogosphère pour s’ouvrir au reste du monde .

Aujourd’hui il a 26 ans, licencié à l’Institut Supérieure de Technologie de Bangui en administration et maintenance de système informatique.  Il travaille pour Médecins Sans Frontières (MSF) Espagne comme assistant IT (Information Technology) et également inscrit en 1ère année de Gestion des Ressources Humaines à l’Université de Bangui. Assani est très ambitieux,il multiplie les formations et saisie toutes les opportunités qui se présentent.

Dans notre entretien, il ne cesse de dire qu’il à profondément la nostalgie de son pays natal, des ces souvenirs d’enfances et du paysage de son pays.

Assani est musulman et très croyant, il parle plusieurs langues dont le français, l’arabe tchadien, le sangho, le sara et le daye; sa force principale  s’est d’ être motivé, garder la sérénité et pouvoir progresser dans tout se qu’il entreprend.