Assaleck AG TITA

Nous sommes au Studio « Bogolan » de Bamako, à l’occasion de l’enregistrement du 2éme Album « Toumastin »de Tamikrest

Ousmane AG MOSSA, Leader du groupe Tamikrest

Ta première tournée à l’étranger vient de s’achever. Comment cela s’est-il passé ?

Cette première tournée m’a permis d’acquérir une ouverture sur d’autre continent comme l’Europe.  Partager la scène avec des artistes de tous horizons, face à un public d’une autre culture, c’est très enrichissant. Notre musique reçoit partout un très bon accueil, que ce soit à Paris, à Kidal, au cœur du désert ou en Algérie. Au-delà des différences d’expression et des modes de vie, nous avons réussi à transmettre notre message  et partager notre passion. Certes, nous n’affichions pas « complet », mais nous nous réjouissons d’avoir eu un réel succès d’estime auprès d’un public très à l’écoute et c’est aussi pour nous, une expérience inestimable.

Actuellement, vous êtes ici à Bamako avec le groupe au grand complet pour l’enregistrement de votre second album. Quel est votre message essentiel ?

Cet album évoque ce que vit actuellement mon peuple «  les Kel tamasheq ». La politique est contre mon peuple. Il n’y a pas vraiment de cohésion sociale au Mali. J’ai pu constater que cette désunion totale ne mettait pas en cause la volonté des populations du pays, mais c’est comme un mal enraciné, un poison et cela me touche profondément… Avant de rechercher l’autonomie ou obtenir des droits, il faut d’abord que l’on tisse des liens intercommunautaires solides et sincères, que l’on ait  des objectifs communs et que les intérêts personnels ne soient pas mis en avant.

Veux-tu dire que le pouvoir de Bamako laisse le peuple touareg à l’écart des décisions qui sont prises ?

A mon point de vue, il ya un très grand contraste entre le Sud et le Nord du Mali. Cela dit, à Bamako je constate les effets d’une énorme corruption, chose qui nous empêche d’aller de l’avant et de développer notamment la région du  Nord Mali. Je remarque aussi que le gouvernement du Mali profite des conflits qui se passent dans la zone de Kidal car lors des négociations, d’importantes personnalités soutiennent le développement du Nord mais les financements n’arrivent pas toujours à bon port et restent dans la poche des corrompus qui les utilisent à d’autres fins, soit pour leur enrichissement personnel ou pour favoriser, dans leur fief, les prochaines échéances électorales.

Quand penses-tu que cette situation changera et qui peux la changer ?

 

Nous somme les seuls qui peuvent la changer, nous le peuple Touareg. J’ai longuement réfléchi sur la question, à savoir pourquoi après 50 années de révoltes, il n’y a toujours pas de changement ? Alors je pense que le problème ne se situe pas au niveau du combat, mais plutôt à cause de cette perpétuelle division qui se creuse au sein du peuple Touareg lui-même.

Nous allons revenir à l’album qui s’enregistre ici au studio Bogolan, composes-tu tes textes avec d’autres artistes ?

Quelquefois, je compose avec les membres de mon groupe. Mon style de composition est d’écrire au préalable un long paragraphe que par la suite je résume pour en tirer l’essentiel du contenu. Ensuite, les partenaires du groupe donnent leur avis sur un premier résumé que nous retravaillons ensemble. Nous somme un groupe « démocrate » ayant des idées et des personnalités très différentes, mais un objectif  et des idéaux communs. Par ailleurs, chaque fois que je compose de la musique, c’est avec le groupe qu’elle est finalisée. C’est un véritable travail d’équipe.

Quel sont les moments où tu aimes t’asseoir pour composer ou écrire un texte ?

C’est dans des moments de solitude que je trouve l’inspiration, c’est-à-dire la nuit entre minuit et l’aube, quand tout le monde dort et qu’il y a peu de bruit car j’aime le silence qui me rend créatif.

C’est-à-dire que tu ne composes que dans le désert où règne le calme absolu, loin du tumulte de la capitale ?!

Tout à fait. C’est aussi dû au fait que je suis né dans un village isolé, où il y a peu de monde. J’ai beaucoup pratiqué la solitude et c’est pour cela je ne suis pas tout à fait à l’aise dans un environnement citadin et bruyant.

Quel message souhaites- tu passer, au travers de cet album,  à la jeunesse Touarègue ?

C’est une question plutôt sensible, mais je voudrais que la jeunesse sache « qu’un peuple n’est

rien sans sa jeunesse », qu’elle représente l’avenir de demain, qu’elle n’a pas à regarder le

coté négatif des choses, ni marcher avec les idées d’autrui. Il faut surtout qu’elle se focalise sur ses propre réflexions et ses objectif  et ses idéaux, à savoir adhérer et participer au développement de la région Touarègue.

Le groupe vient d’intégrer un nouveau musicien. Aura-t-il un rôle particulier ?

 

Mahmoud  AG Ahmoudène  qui vient de nous rejoindre, est un très bon compositeur que j’ai connu lors de mon initiation à la guitare. Lui a appris bien avant moi et j’ai découvert qu’il avait les mêmes ambitions que nous, avec beaucoup d’idées. Je suis convaincu que l’on va pouvoir réaliser beaucoup de choses ensemble que je n’aurais pas su faire seul.

Quelle sont les difficultés que vous avez rencontrées ici à Bamako,  que ce soit dans le cadre du studio ou dans la ville  elle-même ?

 

Au niveau du studio, il y a eu beaucoup de changements qui nous entravent, par rapport a l’année d’enregistrement de notre premier Album. Les problèmes sont d’ordre technique car nous disposons d’amplificateurs qui ne donnent pas satisfaction. C’est plutôt décourageant, mais nous n’avons pas le choix et nous feront le maximum pour sortir un bel album.

Quelle relation entretenez-vous entre Tamikrest et Dirtmusic ? Ce partenariat vous donne-t-il toujours satisfaction, de part et d’autre ? (Pour mémoire, c’est avec Dirtmusic que vous aviez réalisé le premier album et effectué vos premières tournées).

Avant toute chose, Dirtmusic entretient une relation amicale avec Tamikrest et on travail jusqu’à ce jour en collaboration, puisque notre producteur, Chris Ekman,  est le leader de Dirtmusic. Toute la tournée européenne s’est faite avec eux. C’était vraiment merveilleux de jouer avec Dirtmusic ; en plus l’Europe, c’est leur territoire, donc il maîtrise davantage le milieu musical que nous et cela ne peut que nous apporter un plus.

Alors, à quand la prochaine tournée ?

Pour le moment je ne peux pas donner une date exacte, mais ce qui est sûre c’est que notre nouvel album sortira vers fin Avril, puis suivra la promotion et ensuite la tournée.

Es ce que tu as un message particulier à passer ?

 

J’ai surtout et encore un message à transmettre à  la jeunesse Touareg que je préfère appeler Kal Tamasheq, ce qui est  plus significatif, à titre culturel. Je lui demande de réfléchir, avec beaucoup de conscience, en long et en large, aux difficultés que traverse leur peuple.

Quelles conséquences cette situation aura sur le devenir de leur enfant ou de leur petit enfant ? Quels remèdes, aussi modestes soient-ils, peuvent ils apporter à la communauté pour remédier à ces problèmes pour qu’ils ne soient pas supportés aussi par leur descendance ?

Fort malheureusement je constate que depuis une cinquantaine d’année, les mêmes problèmes se répètent. Il est temps que la jeunesse se mobilise, se batte et se sacrifie pour le bonheur de ses futurs enfants. Il ne faut surtout jamais oublier que la jeunesse représente le pouvoir du peuple. Elle doit donc s’unir, partager les mêmes idées, avoir les mêmes objectifs pour le bonheur des Kal Tamasheq.

Merci.


Noël à Kidal : Une célébration sans églises

A la veille de Noël, au coucher du soleil, les rues à Kidal étaient presque vides. Il faisait excessivement froid et la circulation était calme, surtout avec ce clair de lune.

On note la présence d’une grande poussière sur l’artère principale qui subdivise Kidal en deux. C’est la preuve de l’absence de bitume dans les grandes agglomérations de cette région septentrionale du Mali.

Pour célébrer la Noël, les jeunes de Kidal n’ont pas été nombreux dans les centres de loisir. Quelques jeunes faisaient la fête, mais on ne pouvait dénombrer qu’une dizaine de motos devant la porte d’entrée, signalant la présence de ces jeunes fêtards.

A Kidal, une population à majorité musulmane cohabite avec une quarantaine de chrétiens dans la paix et le respect mutuel. Cette fête de Noël ne dit pas grand chose à la majorité des habitants de la ville à cause de la pauvreté, du chômage, de l’analphabétisme et de toutes les questions liées à l’insécurité. Pour certains, la fête de Noël appartient aux Chrétiens.

C’est dans une famille connue à Kidal que les adeptes du christianisme de la ville se rencontrent pour célébrer la messe les dimanches. Exceptionnellement, le père Pierre Songré est venu de Gao pour célébrer la messe de Noël avec ses ouailles d’une nuit.

Témoignage du Prêtre

En somme, cette fête s’est bien déroulée dans la joie et la paix à Kidal. C’est le lieu de faire un clin d’œil aux chrétiens de la cité de l’Adrar des Ifoghas.

Temoignage-dun-participant-à-la-Messe

 


Le portable, phénomène de société pour le meilleur et pour le pire

Qui n’a pas son téléphone portable au Mali ? Devenu phénomène de société en quelques années, il est aujourd’hui un outil indispensable à la vie quotidienne des Maliens. Reconnu pour son utilité, on le retrouve jusque dans les villages les plus reculés du pays, même si la couverture réseau est déficiente. Quand il n’y a pas d’électricité, on recharge les portables grâce à un système ingénieux : des mobylettes ambulantes équipées de batteries. Le portable est aujourd’hui à la portée de tous (les premières puces de téléphone du réseau Malitel qui, en 2000, coûtaient entre 175 000 et 200 000 Frs CFA sont commercialisées aujourd’hui à 500 Frs CFA et bénéficient d’offres d’unités.

Le portable est désormais accroché en permanence à l’oreille des hommes  et femmes d’affaires, des élus et  des personnalités… Cet outil magique, dernier modèle en vogue de préférence, les relie en permanence à la multitude d’interlocuteurs inscrits dans leur carnet d’adresses ou plutôt leur répertoire, qui va de A comme ATT jusqu’à Z comme Zidane !!!… sans oublier les innombrables numéros familiaux et amicaux. Rendez-vous, négociation, débriefing, tout passe aujourd’hui par ce joyau de la technologie, et tant pis pour les effets indésirables pour la santé que peut engendrer un usage exagéré.

Les plus jeunes utilisent le  téléphone  pour écouter leurs titres de leur musique favorites, pour être à l’écoute de la radio, pour enregistrer des vidéos et pour faire des photos ; ils  effectuent  des appels très rarement en raison de leur faible crédit  et la plupart du temps, il « bip » leur Interlocuteur avec l’espoir d’être rappelé dans la minute ou il les contacte très brièvement pour fixer un rendez-vous ; sinon, ils privilégient les échanges téléphoniques nocturnes pour bénéficier des tarifs réduits.

Le portable peut malheureusement devenir une véritable addiction qui coûte très cher pour les plus bavards, notamment les femmes et les jeunes filles ! Dans les sociétés nomades, ce sont les salutations et les politesses interminables qui constituent, la plupart du temps, le contenu d’une longue conversation !

Savez-vous que l’on peut déjà disposer d’un téléphone avec caméra qui permet de voir son interlocuteur comme à la télévision ? Et dans quelques années, le portable fera office de carte de crédit et de porte monnaie. On pourra payer son pain ou son billet d’avion en quelques touches de clavier… Perdre son portable deviendra alors une véritable catastrophe !

Quand le portable sème la zizanie dans le couple…

 

Le montant des cartes de téléphone prélevé sur l’argent du ménage est bien souvent un sujet de disputes car cet achat fréquent dilapide l’argent du ménage pour des conversations synonymes de futilité.

Plus grave, des maris ou des épouses découvrent, l’infidélité de leurs conjoints en consultant leur messagerie parsemée  de SMS amoureux. Un constat qui mène souvent droit au divorce. Leçon à retenir…  Un portable est un objet qui doit rester à usage strictement personnel !

Dans le dossier «  Spécial ondes » de la revue Sciences et Avenirs de Mai 2009 on peut lire :

‘’Ce 23 Avril, à Paris s’ouvre un « grenelle des ondes », visant à faire le point sur les dangers sanitaires potentiels des champs électromagnétiques qui entourent les téléphones mobiles, le Wi-Fi, les antennes relais…Il regroupera opérateurs, pouvoirs publics et associations. Il y a  urgence car depuis janvier, trois décisions judiciaires ont ordonné le démontage d’antennes téléphoniques ou interdit leur implantation « pour trouble anormal de voisinage » en évoquant  «  le principe de précaution ». Les trois opérateurs français, Orange, Bouygues, SFR, tour à tour condamnés, craignent des procès en rafale.’’

Au Mali, cette préoccupation n’est pas du tout à l’ordre du jour. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes et Orange et Malitel font toujours la pluie et le beau temps. « Orange nous rapproche et vide nos poches » disent certains Maliens et rassurez-vous Malitel n’est pas en reste !

Allo, ya plus de réseau… je vous entends mal… vous êtes toujours là… rappelez-moi, je n’ai plus de crédit…


L’identité touarègue remise en question

Le Congrès International de la Jeunesse du Sahara s’est tenu du 31 octobre au 1er novembre à Tombouctou, dans l’enceinte de la Mairie, en présence du Président du Conseil de Cercle de Tombouctou. Cette manifestation avait préalablement reçu l’aval des autorités locales et était organisée en toute légalité par un collectif de jeunes du Nord Mali.

Malheureusement, cette heureuse initiative a été injustement perturbée par l’arrestation de deux des organisateurs, Moussa Ag Acharatoumane et Boubacar Ag Fadil, membres du collectif AFOUS-AFOUS. Ils ont été interpellés par la Sécurité d’État au motif qu’ils sont impliqués dans une affaire d’enlèvement de voiture, ce dont aujourd’hui, nous n’avons pas la preuve.

Depuis l’arrestation des deux jeunes hommes, leur l’avocat, Maitre Boureima Koné, n’a pas été autorisé à rencontrer ses clients : « J’ai  passé chaque jour de la semaine dernière au Département de la Sécurité d’Etat  où personne n’a pu me recevoir pour cause de réunions ou d’absence de responsables…  »

Moussa Ag Acharatoumane

Une pétition circule actuellement sur https://8626.lapetition.be/ pour demander  la libération de Moussa et de Boubacar, actuellement en état d’arrestation par la Sécurité d’Etat, à Bamako.

La création, au Nord Mali du MNA  (Mouvement National de l’Azawad) a généré une avalanche d’injures injustifiées si l’on veut bien croire au contenu, ici le lien  https://www.mnamov.net.

Le MNA est un regroupement de jeunes Maliens de divers horizons (Peuhls, Songhaïs, Touaregs, Arabes), crée le 1er Novembre 2010. Son principal objectif est de participer au développement  effectif de leur région, en concertation avec les élus et les acteurs du développement. Le site web https://www.mnamov.net/nouvelles/53-la-declaration-fondatrice.html donne un éclairage précis sur les motivations d’une jeunesse motivée et politisée, dont le mode d’expression n’est pas toujours dans le style du « politiquement correct », mais qui a pleinement conscience que l’avenir d’un pays passe par sa jeunesse.

Le regard myope des voyageurs épris de mythes éculés

Lorsque que je lis un livre ou un article sur les Touaregs, j’ai, la plupart du temps, un sourire amer car je ne reconnais pas les miens. L’image des touaregs est systématiquement caricaturée au travers du regard myope des voyageurs épris de mythes éculés.

Certes, il y a des auteurs et des chercheurs qui transmettent, trop rarement, une image fidèle de notre communauté. Mais la  majorité des personnes, à l’occasion d’un bref voyage ou d’un reportage éclair, côtoient  brièvement quelques autochtones, et prennent la plume ou le micro pour jouer les spécialistes et aborder sans complexe des thèmes très complexes ! Hélas, par légèreté ou par mépris, ils donnent ainsi une image faussée de notre peuple, frôlant souvent le ridicule.

Le drame, aujourd’hui est qu’en raison d’une médiatisation universelle à outrance, les Touaregs, qu’ils soient érudits ou illettrés, se voient dans le miroir déformant que le monde extérieur leur a tendu.

 

Le carrousel des vanités

Pour que les messages soient transmis aux populations du Nord, l’Etat et les représentations diplomatiques sises à Bamako utilisent des procédés vieux comme le monde…   » La flatterie est le miel et le condiment de toutes les relations entre les hommes » disait le philosophe Platon… Rien n’a donc changé depuis l’Antiquité… Voici la recette originale : choisissez quelques chefs conciliants et aux grands boubous bien craquants, faites- les recevoir en grande pompe par les hauts responsables de l’État, allumez les sunlights et les micros des médias, laissez- les espérer la courtoise poignée de mains et le sourire bienveillant du Président de la République ou d’un haut responsable de l’État. Ils n’auront pas à répondre aux questions essentielles parce qu’on sait qu’ils n’ont pas capacité à le faire, mais on leur  donne l’illusion qu’ils sont importants, qu’ils sont représentatifs (un mot à la mode !) Du haut de leur respectabilité, ces cadres et élus touaregs, bercés par le carrousel des vanités, tombent dans le piège et ressortent convaincus qu’ils sont les seuls et uniques interlocuteurs autorisés et les décideurs incontournables et éclairés pour toute question concernant la communauté touarègue. C’est ce que l’on peut également diagnostiquer comme étant un syndrome de l’illusion d’importance : ces gens qui ont une emprise très relative sur la société se sentent vis-à-vis de la population touarègue, tels des seigneurs responsables de leurs sujets.

En réalité, ces gens ne sont pas utiles à la communauté. Au contraire, ils sont même  facteurs de blocage, car, par leur intermédiaire, on transmet des messages hostiles à la bonne marche de la société.

Aujourd’hui la communauté touarègue, dans son ensemble, se trouve dans une situation de désespoir beaucoup plus grande qu’au déclenchement de la rébellion de 1990. Aucune stratégie d’avenir ne pourra être élaborée sans qu’il n’y ait concertation avec la communauté touarègue. En 1980, quelques hommes, une centaine, avaient décidé de se battre pour défendre les intérêts de la Communauté. En 1990, ils n’étaient  au départ, qu’une poignée pour déclencher les hostilités, à Ménaka. Aujourd’hui, c’est le peuple touareg, dans son ensemble,  qui veut faire passer ses idées, qui demande à être consulté, qui se mobilise pour se faire entendre, en dépit des dizaines de milliers de kilomètres qui le séparent du pouvoir. Quand un peuple se fixe des objectifs, il finit par les atteindre…

Il y a une autre réalité historique.    Le Mali vient de célébrer le Cinquantenaire de l’Indépendance et la plupart des peuples d’Afrique, en tout cas, ceux qui avaient un espace géographique où ils étaient prééminents, ont pu  créer leur propre État.

Nous, les Touaregs, avons été abandonnés à notre triste sort. Nous  sommes aujourd’hui minorés et dispersés dans plusieurs pays limitrophes (Algérie, Lybie, Niger, Burkina Faso et Mali), alors que nous disposions, depuis des siècles, d’un espace géographique plus vaste que la plupart des Nations instaurées dans les années 60. Moi, je pense que les Touaregs ont le droit d’avoir leur propre pays, sur leur espace géographique ancestral, un territoire où ils pourront vivre selon leurs traditions, leur culture avec une économie  adaptée à leur environnement et fructueuse grâce aux richesses stratégiques encore inexploitées de leur territoire.  Je pense que les Touaregs peuvent revendiquer ce droit légitime. Pour y parvenir, il faut qu’ils se lèvent pour l’acquérir,  qu’ils se battent pour y parvenir,  parce que c’est encore possible…

Au détour de nombreuses et diverses discussions, le verdict conclut que la création d’un État touareg n’est pas possible. Qui aurait pensé qu’un État Ukrainien aurait pu voir le jour ?

Les Hommes, qui militent pour la paix,  me disent : « regarde les Palestiniens qui se sont battus depuis si longtemps, finalement ils ne sont arrivés qu’à une forme d’autonomie pour seulement deux ou trois villages ». Pour moi, l’exemple le plus proche, c’est l’Erythrée. Voici un petit pays de moins d’un million d’habitants, qui possède des conditions géographiques similaires aux nôtres. En dépit de l’hostilité des Américains d’abord, puis celle des Soviétiques,  l’Erythrée est devenu un pays à part entière. Rien n’est impossible, pour un peuple décidé à changer sa condition politique. Aujourd’hui les Touaregs sont dos au mur. Les cadres touaregs à Bamako doivent mendier une reconnaissance de faveur. Le nomade touareg, dans tout le Sahara, doit mendier auprès d’un sédentaire ou d’un militaire, le droit à la vie. Aujourd’hui les Touaregs sont l’un des peuples le plus humiliés au monde. Au Niger, la communauté touarègue semble également affirmer sa volonté d’indépendance et je suis convaincu qu’elle n’en restera pas là ! Mais pour l’instant il faut savoir attendre et j’espère que nous pourrons emprunter les mêmes pistes qui mènent à l’indépendance.

Chaque homme a besoin d’un objectif à atteindre pour vivre dignement ; moi je préfère mourir en luttant que succomber au paludisme !

Ces revendications territoriales, aussi bien au Mali qu’au Niger ont pour caractéristiques communes d’être légitimées par l’Histoire, de posséder un tracé établi assez précis des régions revendiquées, de proposer le fédéralisme pour solution au conflit qui oppose les Touaregs aux États Malien et Nigérien, d’empêcher de sonner le glas du nomadisme.

Les filles du campement à la recherche de l'eau

L’histoire-témoin

L’Histoire est largement sollicitée pour légitimer ces revendications territoriales. Un point fait l’unanimité : les territoires revendiqués aujourd’hui sont occupés par les Touaregs depuis des millénaires. « Même les scientifiques les plus réticents qui y ont étudié les vestiges et les traces civilisationnelles s’accordent pour dire que le Sahara central est notre domaine depuis des millénaires » (Mémorandum,

CRA, p. 1). Le regard est ensuite centré sur la période coloniale car elle a provoqué la fracture et l’éclatement de l’espace touareg. Sur ce point, les textes sont très précis pour dénoncer la responsabilité de la France dans la création artificielle des États du Mali et du Niger et le caractère arbitraire des frontières héritées de la colonisation. Le document du FULA souligne (p. 18) « le caractère artificiel des frontières qui ont séparé les familles d’une même origine, de même culture ». Le mémorandum de la CRA ajoute (p. 2) : « Nous avons été dépossédés de notre territoire dans son intégralité (…). Nos colonisateurs ont d’abord partagé notre espace par des frontières arbitraires, constituant ainsi des pays taillés à leurs intérêts. »

Le territoire-enjeu

Il faut rappeler que « nomadisme » ne signifie pas l’absence d’ancrage territorial mais la gestion particulière de l’espace. Ce rappel est nécessaire car le cliché du nomade errant sans foi ni toit est d’une remarquable constance ; il constitue, pour les États qui se partagent le pays touareg, un atout précieux pour dénier toute légitimité à une quelconque revendication territoriale.

« C’est aussi une conséquence directe de la mauvaise perception et gestion politico-militaire du problème Touareg, qui dure depuis l’indépendance des Etats africains. L’invention récente du terrorisme d’Al Qaïda est utilisée comme un arbre qui cache la forêt de la rébellion touarègue qui n’a jamais cessé depuis le début du siècle contre le colonisateur et s’est poursuivie après les indépendances à cause d’un tracé frontalier arbitraire et contre nature. Encore un autre héritage colonial empoisonné

Le message lancé continuellement par les Touaregs est pourtant simple. Comme le dit l’adage populaire : « nalâab ouala nahsad » (Soit je joue, soit je ne vous laisserai jamais jouer). Tant que le problème touareg ne sera pas résolu, aucun espace sahélo-saharien ne connaîtra la paix, la sécurité et la prospérité ». Saâd Lounès El Watan du 26-05-2010

Sources : Touaregs : Voix solitaires sous l’horizon confisqué, Hélène Claudot-Hawad et Hawad (Ed.) (1996) 255 p.

Ce livre est en ligne ici https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00293895/en/


TINARIWEN:l’emblême de la culture touaregue

TINARIWEN

C’est le groupe de musique le plus célèbre du nord de notre pays. Il parcourt le monde pour faire connaître l’art des hommes bleus

Originaire de Tessalit dans la région de Kidal, Tinariwen « les déserts » en tamasheq, est un groupe de musique touareg bien connu sur la scène internationale.
Dans cette partie du Mali, les nomades mènent une vie dure et solitaire parfois. Pour combler le vide et oublier le quotidien difficile, les touareg improvisent des chants pour réduire les distances, qu’ils soient à pied ou à dos de chameau, et ainsi dissiper leur blues.

Ces chants sont rythmés par le tendé. Un instrument traditionnel de percussion battu à la cadence des chameaux. C’est cette musique traditionnelle que le groupe Tinariwen tente de moderniser avec l’introduction de la guitare acoustique.

Au fil du temps, sa musique est devenue une sorte de mélange avec le rock and roll et le blues américain, sur fond de musique traditionnelle. Ce qui a permis à Tinariwen d’être adopté par les siens et de conquérir de nombreux mélomanes à travers le monde.
Initié par Ibrahim Ag Alhabib dit « Abraybone », Alhassane Ag Touhami et feu Intayaden, lors d’un festival à Alger en 1982, trois amis qui jouaient une guitare acoustique, puis le groupe « les voix du hoggar » leur a offert une première guitare électrique.

Après la signature du Pacte national en 1992 à Tamanrasset, c’est le retour de la paix, le groupe s’est consacré à la diffusion de la culture touarègue grâce à sa musique et à des paroles évoquant l’amour pour le désert et les souffrances du monde touareg. Certains membres du groupe qui avaient participé à la rébellion ont troqué les fusils contre des instruments de musique.

A partir de cet instant, Tinariwen participe à de nombreux festivals au Mali et en Europe. C’est en 2000 que le groupe signe son premier album « The Radio Tisdas Session » enregistré à Kidal par Justin Adams et Lo’Jo, un groupe français. Puis c’est l’album « Amassakoul » le voyageur en tamasheq, édité en 2004 qui confirme la notoriété du groupe. Tinariwen fait figure d’ambassadeur des touareg à travers le monde avec ses tournées en Europe, aux Etats-Unis, au Canada et en Asie. Dès lors, le groupe partage la scène avec des grands groupes et des stars du rock comme les Rolling Stones, Carlos Santana, Robert Plant, Taj Mahal ou Elvis Costelle… Une tournée qui sera suivie de la sortie de leur troisième album « Aman Iman » (l’eau c’est la vie) qui vient confirmer le succès du groupe puisqu’il a été entre autre disque d’argent en Grande Bretagne.Mustt Mustt : Kiran Ahluwalia with Tinariwen

Tinariwen est devenu une sorte d’emblème pour les touareg du monde entier. Actuellement en tournée en Europe, le groupe sortira dans quelques mois son quatrième album intitulé « Imidiwan » (les compagnons ou les amis) en tamasheq. Le groupe a mis deux mois pour travailler sur cet album à Tessalit.
Entre chants d’espoir et de blues, Tinariwen, ces fils du désert réinventent la musique qui touche le corps, le cœur et l’âme. Tinariwen est le groupe le plus célèbre des groupes de musique touareg, en véritable messager de la culture de leur monde.


TAMIKREST : la nouvelle génération de musiciens du Spécial Rock Music Touareg de l’Adrar des Ifoghas

Aux confins du Nord Mali, à 9 km de la frontière algérienne, est né le groupe Tamikrest, ce qui signifie « Jonction, nœud, connection… » en tamasheq. Dans cette petite localité de Tinzawatene située à 300 km de Kidal, la capitale de l’Adrar des Ifoghas, les premiers membres du groupe se sont adonnés à la musique touarègue, sans imaginer un seul instant que leur destin en serait bouleversé.

Ce groupe de sept jeunes musiciens, dont deux éléments féminins, est actuellement encouragé par l’ensemble de la communauté touarègue, déjà conquise par le style et le talent du célèbre groupe Tinariwen.

Le leader du groupe Tamikrest, Ghousmane ag Mossa, est un fan indéfectible du style de jeu du guitariste Ibrahim ag Alhabib, le « ténor » de Tinariwen.

A l’occasion de diverses manifestations à Kidal, à Bamako et dans les différents festivals – fête du chameau à Tessalit, festival d’Essouk, festivals d’Essakane et d’Adremboukane – Tamikrest a pu révéler son talent, en dépit de sa modeste logistique. Aujourd’hui, le plus jeune groupe de la région est plein d’avenir et son évolution est suivie attentivement par les dénicheurs de talent.

Le spécial rock music de Tamikrest est un savant mix de rock européen et de musique traditionnelle africaine. Leur mélodie est influencée par les Dires traits, Bob Marley et le tendé Touareg…

Les chansons de Tamikrest évoquent les souffrances des populations nomades du désert, l’amour, la solitude, l’exode, l’analphabétisme, etc. Au-delà, Tamikrest se donne pour mission de faire découvrir et apprécier la poésie tamachèque aux habitants d’un monde encore plus vaste que l’immensité de leur désert.

L’ascension de Tamikrest est liée à sa rencontre avec le groupe de rock australien Dirtmusic, lors du festival au Désert à Essakane, en janvier 2007. La musique n’ayant pas de frontières, une complicité spontanée s’est créée au cours des répétitions. C’est ainsi que Dirtmusic a sollicité la participation de Tamikrest à l’enregistrement de son album au studio Bogolan de Bamako, en 2008.

« C’est quelque chose de nouveau pour nous… » affirme Peter Weber, le producteur du groupe, rencontré lors de l’enregistrement de ce premier album intitulé « Adagh ». Cet album a été mixé par l’ingénieur du son Chris Eckman, membre du groupe Dirtmusic. La sortie du CD est annoncée pour février 2010.

Tamikrest et Dirtmusic feront une tournée de 10 concerts en Allemagne, en France, en Angleterre et en Slovénie, entre Mai et Juin 2010.

Tamikrest est, aujourd’hui, le seul groupe de l’Adagh à ne pas être composé d’anciens de la rébellion.. Cela signifie-il que la musique tamachèque aborde un nouveau tournant de son Histoire ?


La Maison du Luxembourg, un pôle culturel qui fédère les Kidalois

Située à Kidal, à proximité immédiate de l’Assemblée régionale, la Maison du Luxembourg se remarque par sa belle architecture, sobre et moderne. Elle est constituée de  4  bâtiments imposants, agrémentés par une très large cour.

Des jeunes connectés à Internet

La Maison du Luxembourg est un espace culturel, mais aussi un espace ouvert sur le monde de l’information. Cette plateforme polyvalente s’inscrit dans un projet global qui regroupe, en un seul lieu, un studio d’enregistrement, un studio photo, une salle informatique, une salle de conférence, une salle de spectacle, une bibliothèque, auxquels s’ajoute un bar de sucreries pour davantage de convivialité.

La Maison du Luxembourg est une structure privée, créée et financée par le DDRK (Développement  Durable de la Région de Kidal), sur financement du Grand Duché du Luxembourg, dont les rênes seront confiées prochainement à la municipalité de Kidal.

La MDL dispose d’une connexion internet depuis 2005.  Abdalla ag Wayane, le technicien en charge de la salle informatique, précise que  « …le contexte social actuel fait que les gens ne peuvent plus penser à Internet, ils vivent au jour le jour ; les activités sont aux ralenti sur un plan général. ».

Dans une région, où les cybercafés se comptent sur le bout des doigts, la MDL répond à l’attente de nombreux internautes en mettant à disposition une connexion internet haut débit (500 F.cfa /heure), sept ordinateurs, dont quatre sont équipés d’une webcam. Une prestation particulièrement appréciée par les  journalistes en reportage à Kidal et qui sont désormais accueillis dans la toute nouvelle salle réservée aux conférences de presse. Des cours d’initiation à l’informatique sont proposés à des tarifs très abordables.

La MDL a aussi pour vocation d’être un  « business centre » , qui propose, à des tarifs très raisonnables, des services de reprographie très appréciés par les étudiants, les petites entreprises et par l’ensemble des Kidalois : photocopies, impression en couleur et en  noir & blanc, scanner, gravure de CD, développement de photos, reliure, plastification, etc.…

La Maison du Luxembourg entend promouvoir la culture comme un facteur de paix, d’intégration et de développement. A cet effet, elle apporte notamment un véritable soutien aux artistes ; elle offre une salle de spectacle de 300 places,  produit et commercialise les enregistrements de musiciens. Cette salle peut être également privatisée et accueillir des manifestations événementielles.

Grâce à la Maison du Luxembourg, des jeunes de Kidal ont d’ores et déjà bénéficié de formations qui leur ont permis de décrocher un premier emploi.

Lieu de rencontres et de découvertes, la Maison du Luxembourg est synonyme d’ouverture vers l’extérieur, de développement culturel, de divertissement et de prestations de service. Le succès devrait être au rendez-vous de ce concept tant attendu par les nouvelles générations et leurs aînés.

https://mdlkidalculture.com/