Entretien avec Keltoum Maïga Sennhauser : « Nous avons toujours été des démocrates »

11/08/2014

Entretien avec Keltoum Maïga Sennhauser : « Nous avons toujours été des démocrates »

Keltoum Maiga Sennhauser
Keltoum Maiga Sennhauser/Crédit photo: Désirée von Trotha

J’ai eu l’occasion de rencontrer Keltoum de passage à Paris et de pouvoir recueillir son point de vue au sujet du Mali. Nous avons d’ailleurs discuté librement pendant des heures.
Artiste connue, engagée sur tous les fronts, elle parle avec franchise et générosité. Rares sont les Touaregs qui se livrent ainsi en évoquant le conflit actuel. Certains même demeurent énigmatiques par crainte d’être jugés négativement ou d’être mal compris par leurs pairs.
Keltoum Maïga Sennhauser, originaire de Kidal, est peintre, plasticienne et chanteuse. Elle est productrice du premier album du groupe Tinariwen, intitulé « Ténéré ». C’est grâce à elle que Tinariwen enregistre pour la première fois dans un studio en Côte-d’Ivoire en 1992.
Keltoum est appréciée pour son talent musical, ses chansons et sa poésie. Elle a aussi créé un atelier de couture à Bamako.

Comment est née l’idée d’enregistrer votre album « Chatma » et celui de Tinariwen «Ténéré » ?

Après la sortie de l’album « Ténéré » de Tinariwen, j’ai enregistrée « Chatma ». A l’époque, il y avait des problèmes entre nous, Touaregs. J’espérais contribuer à ma façon à dissiper le malentendu et à faire comprendre que nous avions tous un objectif commun : celui de nous unir pour un avenir meilleur. Ensuite, cela m’a amenée à réfléchir sur l’écriture touarègue et son alphabet, les Tifinagh.
Nous avons demandé à l’organisation internationale Enda Tiers Monde de nous aider à faire en sorte que les peuples berbères puissent se retrouver autour de leur écriture. Et c’est ainsi qu’il y a eu le premier Congrès amazigh aux îles Canaris. Nous sommes un peuple réparti entre plusieurs pays et qui possède des cultures variées. Il était nécessaire qu’on se retrouve pour apprendre à se connaître. Malgré de fortes variantes linguistiques en fonction des régions et des pays, nous utilisons tous la même langue et la même écriture. Il nous a paru donc nécessaire d’organiser des recherches et d’essayer d’harmoniser tout ça, pour renouer avec un fonds commun que nous avons tous enrichi au fil des siècles au sein de nos propres territoires. La sauvegarde de notre langue et de son écriture, les Tifinagh, pourra nous permettre de nous unir et d’avoir des discussions très constructives.

Vous menez plusieurs combats en même temps, entre autres par la musique, pourquoi ce choix ?

En fait, je suis peintre de profession, plasticienne et poétesse. Nous les artistes, nous sommes un peu fous ; on ne pense pas et on ne fait pas les choses comme tout le monde. Chanter fait partie de mon répertoire d’artiste. Quand je peins, je pense beaucoup, je réfléchis sur ce qu’il y a à l’intérieur de la forme que je dessine. Il y a ce qu’on voit et il y a l’âme que l’on donne à l’image. C’est cette âme-là qu’il faut rechercher. Quand on est dans cette quête, il y a souvent beaucoup d’histoires qui se bousculent en nous, ce qui nous amène à nous questionner sur le pourquoi et le comment des choses. C’est en ce moment que l’on s’interroge sur ce qu’il faut faire. Je me suis dit, bien vrai que je fais de la peinture, mais je dois l’accompagner de paroles, car ce n’est pas tout le monde qui comprend un tableau, une peinture ou un dessin. Le chant et la musique ont augmenté l’impact de mon message.
Dans mes textes, je parle de ma culture touarègue, de la vie tout court, de tout un chacun, je pense qu’à partir de ma culture beaucoup de gens peuvent se retrouver. Pour moi, l’homme est façonné par son environnement. En fonction de cet environnement, il développe une certaine pensée de survie, il crée des remparts pour se protéger. Nous sommes pratiquement les mêmes, la différence est que l’environnement où nous vivons détermine à peu près tout ce que nous devenons plus tard. Je pense que nous, les Touaregs, avons été beaucoup défavorisés par notre environnement. J’ai souvent dit que le désert, pour nous, c’est à la fois l’enfer et le paradis. Nous sommes condamnés à une réflexion continuelle et à nous remettre en question sans cesse. Tous les prophètes ont eu leur inspiration dans les différents déserts où ils ont vécu. Le désert, pour nous, c’est un lieu de méditation et c’est pour ça que, dans ma région (Kidal), on est pratiquement tous des poètes. Il nous inspire, cela nous permet de se poser des questions sur nous-mêmes et notre avenir.
Avec le problème que vit le Mali aujourd’hui, on a souvent parlé des Touaregs de Kidal comme étant des enfants gâtés, impossibles, insupportables… Mais je pense que ce sont des gens qui ont envie de contribuer à leur propre développement, à leur émancipation. Ils ne sont pas du genre à attendre que les choses se passent d’elles-mêmes, non. Ils sont capables et ils ne veulent pas tout attendre des autres, ils ont besoin de se sentir concernés, impliqués, et ainsi contribuer pleinement à la construction de leur propre devenir. Se battre au quotidien, survivre, c’est la règle numéro un chez nous, parce que les saisons, très contrastées, que nous connaissons bien, ne nous permettent pas de croiser les bras. Cela nous oblige à prévoir plus loin que ce que nous subissons au quotidien.

Vous venez de sortir un livre, « Femmes bleues », de quoi ça parle ?

C’est un recueil de poèmes et, en même temps, c’est un hommage à toutes celles et ceux qui ont contribué à l’évolution de la poésie de chez moi. Lorsqu’on écoute tous ces poètes et musiciens, et que l’on repense à tout ce qu’ils ont dit, cela retrace l’histoire de notre peuple. Nous, nous sommes des rêveurs, des amoureux, nous avons besoin de rêver. Je pense que le monde a été construit comme ça, parce qu’il faut rêver pour trouver, et réaliser ses rêves.

« Terre, mère patrie,
Jadis, verdoyante,
Serais-tu meurtrie?
Aride tu es, ton hostilité devient amère.
N’empêche, je t’aime mère
Terre, mère nourricière,
Terre natale, serait-ce la fin fatale?
Difficile est d’y croire
Tu es mon répertoire
Réceptacle de ma première larme,
L’amour que je te voue, sera ma seule arme.
… Aujourd’hui plus que jamais nous femmes devons condamner toutes atteintes à la morale universelle et toutes les dérives. Plus que jamais, nous devons être celles qui pensent la vérité, disent la vérité, croient en la vérité et défendent la vérité ».

La femme est le pilier de la société touarègue. Elle assure tout. Le mobilier de la maison, c’est elle qui le construit. En l’absence de l’homme, c’est la femme qui assure la relève. C’est elle qui fait tout. Je pense qu’on voit l’exemple avec ce qui se passe à Kidal : les femmes sont encore là avec leurs enfants dans la rue, donc ça veut dire qu’elles tiennent toujours leur rôle de pilier, même si certains pensent qu’elles sont manipulées. Mais, pour être manipulé, il faut être convaincu. Il y a forcément une conviction derrière tout ça, elles se disent peut-être qu’elles ont le droit d’aller elles aussi à la recherche du bonheur.
Aujourd’hui, au Mali, il y a un problème de dialogue. Il faut que les Maliens apprennent à s’asseoir et à dialoguer vraiment entre eux. Depuis l’indépendance, le conflit persiste. Et puis, est-ce que les Maliens connaissent vraiment l’Histoire, leur Histoire, depuis l’indépendance ? Je ne le pense pas. Combien de rébellions y a-t-il eues jusqu’à aujourd’hui ? Et on ne se pose pas la question : pourquoi toutes ces rébellions? On parle de racisme, des gens du Nord qui ne veulent pas de ceux du Sud ; du Nord, qui est raciste. Le racisme, c’est quelque chose qui naît de l’ignorance chez l’homme. En fait, la différence fait peur, alors qu’elle est beauté. C’est grâce à la différence qu’on évolue, car ce que l’on n’a pas, on le voit chez l’autre ; on l’apprécie, donc, on l’adopte, ou pas, et on se dit qu’on veut mieux que ça. La différence nous permet d’aller à la recherche du meilleur. Quand on prend la différence comme quelque chose de mauvais, de négatif, là, elle devient destructrice. Et, je suis désolée, mais c’est vraiment dommage pour notre pays, qui est si riche de différentes cultures. Nous pourrions faire de grandes choses, de belles choses. Malheureusement, nous n’avons pas encore su exploiter ces différences. Il faudrait qu’on apprenne notre Histoire, qu’on connaît mal ou très peu. Pourquoi ne pas se poser la question du pourquoi de tout ça ? Et mettre de côté les rumeurs colportées par le vent du fait de gens qui ont tout intérêt à ce que le Nord et le Sud ne puissent jamais se comprendre !

Pensez-vous qu’il y a un problème politique, religieux, militaire ou géopolitique au Mali ?

Je ne pense pas que le conflit soit religieux, car, si c’était un problème religieux, dans ce cas, le Sud subirait le même problème que le Nord. Je suis convaincue que les jihadistes sont partout au Mali, au Sud comme au Nord. Peut-être qu’ils ne se sont pas encore manifestés ouvertement au Sud, ils attendent peut-être, mais tout le monde sait que le Mali est une poudrière qui explosera tôt ou tard.
Nous devrions être intelligents, et nous concentrer sur l’essentiel: cette invasion d’une religion hybride, qui est en train de nous bouffer à petit feu.
Et je pense que c’est ça le combat prioritaire de tout Malien. Maintenant, par rapport aux revendications identitaires (des Touaregs), c’est un problème de dialogue qui doit se passer entre les Maliens pour trouver le juste milieu et parvenir à s’entendre. Je pense aussi qu’au Mali il y a un problème de citoyenneté, nous ne sommes pas assez citoyens. Chacun se débrouille comme il peut, il y a trop de corruption, on ne pense pas à l’intérêt de tous, on est devenus plus individualistes que citoyens. Chacun se bat pour son intérêt personnel au détriment de l’intérêt général, et cela sur toute l’étendue du territoire, malheureusement.

Cette crise est-elle perçue et ressentie de la même manière si l’on se situe à Bamako ou à Tessalit, donc au Nord ?

C’est un problème de dialogue et d’appréhension du problème. Lorsque quelqu’un ne veut pas voir, il ne peut pas voir. Tu lui montres la Lune et lui regarde ton doigt.
Il faudrait que les Maliens apprennent à voir leur réalité, à réfléchir sur leurs problèmes, et à essayer de trouver des solutions et non pas à faire semblant. La communauté internationale ne va pas nous aider indéfiniment. Il va bien falloir un jour s’asseoir et discuter sincèrement et décider de comment s’en sortir. Et ça, on ne peut pas le faire si on n’a pas une notion de citoyenneté. Il ne suffit pas de dire que le Mali est « un et indivisible ». Mais, dans les actes et les comportements, il est comment le Mali? Est-il un ? En réalité, c’est ça qu’il faut voir.

Est-ce que les gens du Sud se rendent compte combien est pénible le quotidien de ceux qui sont en guerre permanente dans le Nord ?

A Bamako, je pense que chacun a sa mallette et cherche à trouver une place dans le gouvernement, dans un projet ou un marché public… De temps à autre, on se tape la poitrine et on se dit : il faut reconquérir le Nord et déloger tous ces bandits armés, c’est la richesse du Mali qui est en jeu. Il y a ces mots qu’on entend souvent…
Il y a eu les assises du Nord, mais ça n’a pas abouti à grand-chose. Je pense que ça n’a pas été bien réfléchi, c’est comme d’habitude, j’ai l’impression qu’on n’a toujours pas compris quel est le problème véritable.
On se réunit juste pour la forme, juste pour dire qu’on s’est assis. Même les personnes qui participent à ces assises ne sont pas forcément très compétentes ni même totalement représentatives des populations et elles ne sont pas toujours en mesure d’expliquer clairement les problèmes en des termes techniques compréhensibles pour tous les interlocuteurs, qu’ils soient maliens ou issus des organismes internationaux, ni même les spécificités du Nord, comme elles ne sont pas plus évidemment capables de transposer aux Nordistes en termes choisis et compréhensibles pour eux tout ce qui a été dit ou conclu. Souvent, on a affaire à des personnes qui ne parlent pas français et qui ne comprennent même pas ce qui se dit dans la salle, alors que leur compétence dans leur langue ne fait aucun doute si l’on prenait vraiment la peine de leur transcrire réellement la philosophie des débats. Donc, pour moi, on n’a toujours pas compris le fond du problème.

J’imagine que vous êtes en contact avec les familles restées au Mali, à Kidal ou même à Bamako. Comment vivent-elles en ce moment leur quotidien avec tout ce qui se passe ?

Entre Touaregs du Sud et Touaregs du Nord, on se fait souvent des blagues : au Sud, on leur dit « Azawad Non / Mali Oui », et ceux du Nord répondent « Azawad Oui / Mali Non»! Donc, on se fait de petites blagues comme ça, puisque nous savons tous qu’un jour nous allons trouver un compromis, même si ça ne sera pas facile.

Comment voyez-vous les différents leaders touaregs qui s’occupent de la gestion de ces conflits ou rébellions, ont-ils été à la hauteur ou ont-ils fait des erreurs? Comment jugez-vous l’évolution de cette situation ?  

L’erreur est humaine. On a peut-être tous fait des erreurs, y compris les leaders.
Suite à ces erreurs, et lorsqu’on constate que la situation ne se débloque pas, il est temps, vraiment, de se dire qu’il faut se prendre en main une fois pour toutes et essayer de régler le problème. Mais je pense que la chefferie traditionnelle, qui est restée sur place, a beaucoup œuvré pour l’apaisement, la résolution des conflits et la limite des dégâts… Si elle n’avait pas été sur place, ça aurait été plus grave. Elle a aussi été dépassée, à un certain moment, on ne l’écoutait plus. Pourtant, beaucoup de gens ont œuvré à la résolution de cette crise.

Sachant que la femme est un pilier essentiel dans la société touarègue, quel rôle jouent les femmes dans la résolution de ce conflit et leur marge de manœuvre dans la réconciliation ?

Je sais qu’à un moment la MINUSMA avait envoyé des femmes au Nord pour rencontrer les femmes restées sur place. Elles leur ont dit qu’elles n’ont aucun problème avec leurs sœurs de Bamako, mais que, en revanche, elles ont des problèmes avec l’État malien. Donc, elles ne comprenaient pas pourquoi on leur envoyait des femmes du Sud. Je pense que ces femmes venant du Sud avaient saisi cette opportunité en se disant que la MINUSMA les envoie afin de leur permettre d’avoir du boulot, une activité ou un projet…
Ce que je veux dire, c’est que chacun marche à la recherche de son intérêt personnel d’abord. Personne ne se bat ni ne s’entête sérieusement pour débloquer la situation. Aujourd’hui, nous qui sommes restées au Sud, la seule chose que l’on puisse faire, c’est peut-être d’accompagner et d’essayer d’expliquer les choses. Maintenant, celles qui sont restées au Nord ont une autre vision et une autre démarche. Elles sont en conflit avec l’État, elles ne sont pas en conflit avec nous ni avec les populations du Sud. Si elles doivent dialoguer, c’est avec les représentants de l’État. Mais, en tant que citoyennes, nous devrions chercher surtout à calmer les choses, à faire en sorte que les gens puissent apprendre à se connaître. Revoir ensemble, et depuis le départ, l’histoire de la nation malienne. Que s’est-il passé depuis ce temps ? Et c’est précisément les événements de cette histoire que l’on continue à occulter. On zappe sur cette réalité pour se focaliser sur la différence, l’intolérance, le racisme en essayant de mettre de l’huile sur le feu. Je pense qu’il faut qu’on dépasse ça.

Est-ce que ceux qui s’occupent de la résolution de cette crise ne se cachent pas la vérité pour zapper les vrais problèmes, les vraies questions pour nous faire attendre, nous assassiner en prenant tout leur temps ?

La révolution est une dynamique, c’est comme une usine qui produit, c’est toute une chaîne qui doit produire tous les jours. C’est une continuité. Je crois que même s’il ne reste qu’un seul Touareg survivant, ça ne finira pas tant qu’il n’y aura pas un véritable dialogue. Sans cela, le combat va continuer éternellement. Comment résoudre tout ça et faire en sorte que des frères se parlent ? Nous sommes métissés et nous avons beaucoup de choses en commun. Il faut arrêter ces massacres, c’est vraiment dommage.

Vous préparez un album qui va paraître très prochainement, de quoi parle-t-il ?

Mon album parle surtout de ce qui se passe chez moi, au nord du Mali et du Mali en général. Je parle de cette mésentente, de nos racines que nous sommes en train de bafouiller. La dévalorisation des piliers de notre société. On rabaisse l’être humain, on n’a plus de morale, l’homme est en train de perdre ces repères. Nous allons vers un monde hybride, en mutation négative. Tous les problèmes dans ce monde sont dus au fait que nous avons perdu nos appuis ; alors on titube. J’essaye de parler de tout ça.

Quel rapport entretenez-vous avec vos amis de Tinariwen, avez-vous des projets en cours ou dans l’avenir ?

Tinariwen, ce sont mes amis et mes enfants en même temps. J’ai produit leur premier album et on a fait beaucoup de choses ensemble. Présentement, nous n’avons pas de projets, mais pourquoi pas ! Ce serait génial de faire quelque chose avec eux. Quelque part nous cherchons tous la stabilité de chez nous. Je suis ouverte pour travailler, pour réaliser des projets avec tous ceux qui ont la conviction et la volonté de faire en sorte que les gens puissent réfléchir sur leur devenir. Que serons-nous dans quelques années si la situation continue comme ça ? C’est une question vitale.
Actuellement, on se focalise sur le conflit Nord-Sud ou Sud-Nord, alors qu’il va falloir que des décisions concrètes soient prises. Ne restons pas dans le « Un et Indivisible », tout ça ne sont que des mots. Ce n’est pas vrai, nous sommes divisés, nous ne sommes pas « Un et Indivisible ». C’est ça le problème, nous utilisons la langue de bois pour se voiler la face. Comment peut-on dire Un et Indivisible, alors que les trois quarts du territoire ne sont pas en ce moment sous le contrôle de l’État ! Il y a toutes ces réalités qu’il faut déballer et qu’il faut éclaircir. Voir le juste milieu et chercher comment on peut vivre ensemble.
Vous êtes une femme très engagée qui fait plein de choses en même temps, de l’artisanat aussi, pouvez-vous nous en parler ?

Je fais un métissage dans ma couture, un mélange de couture européenne et malienne. Je m’inspire de ma culture touarègue. J’utilise le cuir, les tissus en velours, les pagnes, l’indigo de chez moi, la mousseline et la soie. Je fais des boubous, des sérouels, des boubous trois-pièces, deux pièces, des voiles (Tassaghnist), et des bijoux aussi. J’essaye de moderniser les bijoux de chez moi, comme le Khoumaysa. Les gens ne savent pas que le Khoumaysa est un bijou et en même temps un talisman qui protège. Il comporte cinq triangles qui représentent les cinq sens (l’odorat, l’ouïe, la vue, le toucher et le goût).

Avez-vous un dernier message ? 

J’aimerais adresser ce dernier message à ma communauté : je les salue très fort et je leur demande d’être justes. C’est ce qui rapporte le plus. Aimez-vous les uns les autres, le combat est long. Il faut que l’on apprenne à se reconstruire ou à se construire. Sauvegardons notre langue et notre écriture. Et rappelons-nous que nos parents et nos aïeux ont eu un combat plus dur, plus difficile que le nôtre. Car ils n’avaient pas les outils que nous possédons aujourd’hui. Ils avaient inventé des initiatives pour prévenir les divergences en se réunissant une fois par an, où qu’ils soient, pour débattre les problèmes et les conflits afin de les résoudre. Dans ces temps-là, nous étions une confédération. Il ne faut jamais oublier que nous avons toujours été démocrates.
« Éloigner vos tentes, mais rapprocher vos cœurs », selon l’un de nos adages. Il n’y a pas plus démocrate que ça.

Propos recueilli par Assaleck AG TITA

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